En l’an 1305, furent consuls : Uc Alamandin, Guilhèm de Peiròtas, Joan Civada,
Guilhèm de Concas, Daude Catalan, Bernat Gaubèrt, Guilhèm Vigorós, Pèire de Cabanas,
Joan de Mon-
[Fol. 83 v°]tanhac, Pèire de Castelnòu, Daude Arnaut,
Pèire Rabàs (Uc Alamandin mourut et fut remplacé par Pèire Calvèl). L’assesseur fut
messire Pèire Seguièr, le notaire Simon de Tornafòrt et le baile messire Joan Marc,
docteur en droit.
Cette année-là, la veille de Pentecôte, mourut à Pérouse le pape Benoît XI et on élut
sur-le-champ un pape français, Mgr. Bertrand de Gòt, archevêque de Bordeaux, qui prit le
nom de pape Clément V ; il vint ensuite à Montpellier le 7 octobre en présence
des seigneurs rois de Majorque et d’Aragon, de quatre cardinaux et de beaucoup d’autres
grands seigneurs ; on lui fit grande fête, puis, quatre jours après, il alla se
faire couronner à Lyon ; il y avait là les seigneurs rois de France et de
Majorque, tous les cardinaux, Mgr Charles et Mgr Louis, frères du roi de France, et le
duc de Bretagne. Celui-ci et beaucoup d’autres grands seigneurs y trouvèrent la mort en
sortant de l’église à cause de l’effondrement d’un mur. Puis, aux Quatre-temps suivants,
il réintégra les deux cardinaux Colonna que le pape Boniface avait destitués et fit
cardinaux Mgr Béranger Fredol de Lavérune, évêque de Béziers, ainsi que neuf autres.
Cette année-là moururent Madame Jeanne, reine de France, et Mgr Raymond Bérenger, comte
de Provence, fils du roi Charles. Le seigneur pape nomma évêque de Maguelone Mgr Pèire
de Mirepoix. La même année, le roi de France fit pendre à Carcassonne beaucoup d’hommes
de ces lieux avec leurs robes.
Année 1305 : commentaire historique
Mort de Benoît XI : cf. supra à 1303. Elle semble être signalée en raison de la durée du conclave de Pérouse puisqu’il s’écoula près de 11 mois entre la mort de Benoît XI et l’élection de Clément V, délai qui est à mettre en rapport avec les dissensions entre cardinaux. Bertrand de Got, évêque de Saint-Bertrand de Comminges (1295), archevêque de Bordeaux (1300), élu pape au conclave de Pérouse le 5 juin 1305. Prenant le nom de Clément V, il est couronné à Lyon, dans la basilique Saint-Just, le 14 novembre en présence de Philippe le Bel et de ses frères Charles de Valois (1270-1325) et Louis, comte d’Évreux (1276-1319) ainsi que de Jacques II, roi de Majorque, du Sacré Collège, de la cour de France, de nombreux nobles et de prélats. À l’issue de la cérémonie, alors que le cortège sortait de l’église, un mur sur lequel était assise une foule de spectateurs s’effondra, renversant le souverain pontife et ensevelissant plusieurs personnes, parmi lesquelles le duc de Bretagne, Jean II (1239-1305), qui tenait la bride de la mule pontificale. Il devait expirer quelques jours plus tard.
Sur les deux cardinaux de la famille Colonna réintégrés par Clément V, voir à 1299.
Bérenger Frédol ou Frezoul (l’Ancien), né vers 1250 au château de Lavérune au sein d’une famille de la petite aristocratie languedocienne, ancien chanoine de plusieurs chapitres méridionaux (Béziers, Narbonne, Aix), abbé de Saint-Aphrodise de Béziers, devient évêque de Béziers en 1294. Docteur en droit canonique de l’université de Bologne, auditeur de la Rote, il collabore à la compilation du Liber Sextus des décrétales. Créé cardinal prêtre des saints Nérée et Achille par Clément V lors du consistoire du 15 décembre 1305, il est nommé grand pénitencier en 1306 et participe au procès des Templiers. Devenu doyen du Sacré Collège en 1321, il meurt à Avignon le 11 juin 1323. Il est l’oncle du cardinal Bérenger Frédol (Frézoul) le Jeune.
Lors de ce même consistoire de 1305, Clément V éleva également à la dignité cardinalice Pierre de La Chapelle-Taillefert, Arnaud de Canteloup, Pierre Arnaud, Thomas Jorz, Nicolas Caignet de Freauville, Étienne de Suisy, Arnaud de Pellegrue, Raymond de Got et Guilhem Ruffat de Fargues.
Variantes : le ms fr 11795 (témoin F) donne sur cette séquence et notamment sur l’entrée du nouveau pape à Montpellier une version bien plus étendue :
(fol. LXXIII v°-LXXIIII). Le cardinal Matyeu Ros doit être identifié avec Matteo Orsini Rosso qui, retenu à Rome, n’avait pas participé au conclave de Pérouse.Jeanne, née en 1273, fille de Henri 1er roi de Navarre et de Blanche d’Artois, héritière du royaume de Navarre et du comté de Champagne, épouse en 1284 Philippe, fils et héritier de Philippe III. Elle devient reine de France en 1285, lors de l’accession au trône de Philippe IV le Bel.
Raymond Bérenger, né en 1281, fils de Charles II et de Marie de Hongrie. Il portait le titre de comte d’Andria et non de comte de Provence, ce dernier titre étant porté par Charles II d’Anjou lui-même. Il mourut le 3 octobre 1305 alors qu’il était gouverneur du Piémont. Pierre de Lévis Mirepoix, nommé à l’évêché de Maguelone par Clément V le 22 janvier 1306 (n.st.), transféré à l’évêché de Cambrai en avril 1309.
Le 27 septembre 1305, Élie Patrice qui avait été l’un des principaux soutiens politiques de Bernard Délicieux, les consuls du bourg de Carcassonne dans leur livrée consulaire et six autres bourgeois de la ville furent pendus sur ordre du sénéchal. Ils avaient été reconnus coupables du crime de lèse-majesté pour avoir comploté avec Ferrand de Majorque (1278-1316), troisième fils de Jacques II, afin de lui livrer Carcassonne. Le complot impliquait aussi les consuls de Limoux et quarante habitants de cette dernière ville avaient déjà été pendus à Carcassonne le 29 novembre de l’année précédente. Sur cet épisode, voir David Sassu-Normand, « La révolte de Carcassonne et Limoux au début du XIVe siècle : la rigueur du droit au service du pragmatisme financier ? », dans Le châtiment des villes dans l’espace méditerranéen, de l’Antiquité à la Révolution française, Turnhout, Brepols, 2012, p. 339-358.
Variantes : Le ms fr 11795 (témoin F) parle plus longuement de cet épisode :
(fol. LXXIIII).