En l’an de Nostre Senhor Dieu Jhesu Christ que hom comtava | MCCCLV, foron cossols de la vila de Monpeslier los | senhors : en P. Rogier, en B. Pelicier, en Colin Bertran, | en Jacme Bonamic, en Johan Talhapan, en Frances | del Forn, en Johan de Suelhas, en B. Caslar, en P. Ten- | churier, en G. de la Sala, en P. Sadorni, en B. Pascal ; | e fon notari del cossolat maistre Arnaut Ricart. E fonc | bayle lo sen Esteve Sabors, donsel ; jutge, messier Pons Blegier, | savi en dreg ; notari, maistre Fermin Ribas ; sotzbayle, lo | sen Symon de Sant Gili ; sotzjutge, messier P. Calvel, savi | en dreg ; notari, maistre Mathieu Jenin ; viguier, lo | sen B. Pojol ; assessor de viguier, messier P. Arquier, | savi en dreg ; notari, maistre Daude Cabirola.
Item, aquel an meteys, el mes d’abril, fon pres lo castel | del Baus per mossen Robert de Duras, cavalier, e tenc lo entro | que·l papa lo∙n fes yssir per acort.
Item, aquel an meteys, egal Totzsans[a]Mots rajoutés
dans la marge de gauche., passeron los EnglezesGarona so- | bre Portel e cremeron Castanet e rauberon
Mongiscart, Ba- | sieja et Avinhonet
e totz los castels d’entor e Castelnou |
d’Arri, Fangaus e
Monrial e·ls autres castels
d’entorn e | Carcassona, e Pueg Ayric et Olms e motz d’autres locs. | E vengron tro Narbona e prezeron lo borc e∙l cremeron |
e combateron la cieutat en tant que agron mot gran paor | de lur vida. E
moriron hi d’alcus Englezes entre·ls cals | dizian
que mori I filh del senhor primci[b]Ms. primcis. engles ; e de __
[Fol. 98 r°]
__dins la
cieutat mori Eralh del Tornel que fon
ferit d’una | flecha. E foron vengutz a Bezes, mas que sentiro que·ls ho- | mes d’armas
de Monpelier e de tota la senesqualcia de Belcayre[c]Ms. Belcay. | eron ajustatz aqui e torneron s’en seguen la
montanha, | e feron motz de mals vas Pipios et ad Azilhan lo
Comtal | et e motz d’autres locs que tot o cremeron et o
pilheron.
Année 1355 : commentaire historique
Robert de Duras (1326-1356) était le fils de Jean de Sicile, duc de Duras. En butte aux persécutions de Louis de Tarente, époux de la reine de Naples Jeanne Ière, il dut fuir ce royaume pour se réfugier à Avignon auprès de son oncle le cardinal Hélie Talleyrand de Périgord. Mais il se rebella vite contre l’autorité de la reine Jeanne et s’empara du château des Baux (aujourd’hui Les-Baux-de-Provence, Bouches-du-Rhône) dans la nuit du 6 au 7 avril 1355. Le sénéchal de Provence Foulque d’Agout vint en faire le siège et contraignit au bout de quatre mois Robert de Duras à la reddition, après intervention pontificale. Robert de Duras devait l’année suivante accompagner son oncle le cardinal à Poitiers et être tué au cours de cette bataille.
La chevauchée anglaise conduite par Édouard de Woodstock (1330-1376), fils aîné d’Édouard III et lieutenant de son père en Guyenne, partit de Bordeaux le 5 octobre 1355. L’armée évita soigneusement Toulouse et se dirigea vers Carcassonne. La description de l’itinéraire suivi est conforme à ce que l’on sait par d’autres sources mais le texte mêle ici des localités pillées lors de l’itinéraire aller et d’autres dont les Anglais ne s’emparèrent que sur leur chemin du retour : Portet-sur-Garonne (c. de Haute-Garonne), Castanet-Tolosan (c. de Haute-Garonne), Montgiscard (c. de Haute-Garonne), Baziège (c. de Haute-Garonne), Avignonet-Lauraguais (c. de Haute-Garonne) et Castelnaudary (c. de l’Aude) furent bien pillées à l’aller. En revanche, Fanjeaux (c. de l’Aude) et Montréal (c. de l’Aude) ne furent emportées que le 15 novembre alors que l’armée anglaise se repliait sur Bordeaux.
Parvenus devant Carcassonne le 3 novembre, les Anglais n’osèrent pas s’attaquer à la Cité mais se contentèrent de piller et d’incendier le Bourg que ses habitants avaient voulu défendre. L’armée se remit ensuite en route en direction de Narbonne en passant par Puichéric (c. de l’Aude) mais Homps (c. de l’Aude) ne fut pillée que sur le chemin du retour. Le 8 novembre, les Anglais étaient à Narbonne où ils s’emparèrent du Bourg mais sans pouvoir prendre d’assaut la Cité.
Compte tenu de la date de naissance d’Édouard de Woodstock qui ne se maria qu’en 1361, il est peu probable que l’un de ses fils ait pu être présent à l’occasion de cette expédition. Eralh du Tournel appartenait à la puissante famille des barons de Tournel en Gévaudan (Lozère, c. Saint-Julien-de-Tournel).
Il ne semble pas que l’intention des Anglais ait été de pousser jusqu’à Béziers même si certains de leurs chevaucheurs furent signalés aux environs de cette ville. Ils s’en retournèrent à Bordeaux en passant par Pépieux et Azille (c. de l’Aude) et regagnèrent sans encombre la Guyenne le 28 novembre. Sur cette expédition, voir Herbert James Hewitt, The Black Prince’s Expedition of 1355-1357, Manchester, 1958. L’épisode narbonnais a été réexaminé depuis par J. Caille, qui démontre a contrario que le Bourg de Narbonne n’a pas été occupé par les Anglais (Jacqueline Caille, « Nouveaux regards sur l’attaque du Prince Noir contre Narbonne en novembre 1355 », Bulletin de la Société d’études scientifiques de l’Aude, t .109, 2009, p 89-103).