En l’an mil Vc et neuf furent |
consuls de la presenteAbrégé : pnt ville de MontpeillierAbrégé : MontpeilrVictoire | contreAbrégé : cont les | venitiens[a]En marge
droite, en face du texte, une note descriptive
postérieure les nobles et honorables hommes | Fedrigo de Crapone, Jehan Lasset,
Gaspard | Arnos, Guillaume
Maugier, Estiene | Carbonnier et
Jaume Vilar. Ouquel | an le roy nostreAbrégé : nre souverain, prince et seigneurAbrégé : seigr, | fist aliance, amystié et confederacion | avecques nostre Abrégé : nre sainct pere le pape, les | rois des
Romains et d’Espaigne et ce pourAbrégé : po | recouvrer et conquerre toutes les villes, | roiaumes,
seigneurries et chasteaulx | que Abrégé : qles Venissiens par cy devant avoient | prinses,
occuppees et extorcienementExtorcionner :
prendre par extorsion
(Dictionnaire de la langue
française du seizième siècle, Paris, Honoré Champion, 1925 ; édition
électronique Garnier [consulté en octobre 2014], 22120). , | detenues par long temps sans
aulcum | droit, contre le vouloir desdictsAbrégé : desds princes | et seigneurs, ausquels lesdictz roiaulmes, |
villes, seigneuries et chasteauls apertennoictAbrégé : apertenoict | par vraie lignee, succession et tiltre. Pour | lesquelles
avoir recouvrer et conquerré | ledictAbrégé : led seigneur pour ce faire fist une tres grandeAbrégé : grade, | tres belle et tres notable armee, et ledict | seigneur
mesmes en personne, avecques | tous les princes et seigneurs de son
roiaume | passa les montz pour aller
a Milan et de __
[Fol. 471 v°]
__Milan a Bresse, Creme et
Cremone et par toutes | les
autres villes, places, chasteaulx et | seigneuries a luy appertenens,
deppendens | de la duché de Milan, et pour icelle conquesterAbrégé : ꝯquester, | faire et recouvrer sesdites places et seigneuriesAbrégé : seigries, | ledit seigneur se mist en armes avecques | sadite armee
pour entrer et fraper dans le | champ desdictz
Venissiens qui estoit près | d’une ville nommee
Veille. Auquel champ | avoit de
cinquante a soixante mile hommes | et en combatant fist si tres
vaillanment | qu’il eust une tres glorieuse victoire contre | lesdictz
Venissiens, en telle facon que en leur | fort
mesmes leur bataille fust livree et deffencéAbrégé : deffcé | et conbatu l’espace de trois heures, et | par la grace de
Dieu, l’honneur et victoire | demeura audictAbrégé : aud seigneur. Et par le raport | quAbrégé : q’en fut faict y demeurarent de mortz plus de | XIIIIe mile hommes et XXXte grosses
pieces | d’artillerie, plus grosses et plus longues | que l’artillerie
dudit prince, et ung autre | grand nombre d’autre menue artilherie |
et toute leur monyssion[b]Comprendre «
munition ». prinse[c] Comprendre «
prise »., et d’autre | part le principal chef, capitaine et conducterAbrégé : ꝯducterConductier :
chef
(Dictionnaire de la langue
française du seizième siècle, Paris, Honoré Champion, 1925 ; édition
électronique Garnier [consulté en octobre 2014], 10632). , | de l’armee desdictz
Venissiens pris prisonnier, | nommé messireAbrégé : messe Berthelemin d’Alviano[d]voir notice
biographique dans Pierre de Bourdeille de Brantôme, Mémoires,
contenans les vies des hommes illustres et grands capitaines, p.390,
Paris, Foucault, Livre 1, 1822 , et davantaige conquesté toutes les villes, __
[Fol. 472 r°]
__ chasteaulx, terres et seigneuries queAbrégé : q luy apertenoientAbrégé : aptenoiet | et queAbrégé : q lesdictz Venissiens iniustement dettenoientAbrégé : dettenoiet, | occuppoient et que par long temps avoient | dettenu et
occuppé comme dit est par maulvais | et inique tiltre, comme plus a plain
est | contenu ès lectres[e]Comprendre «
lettres ». missives dudit seigneurAbrégé : seigr | dont le tenneur est tel : A noz tres chersAbrégé : chrs | et bien amez les gens d’esglise, bourgeois, manansAbrégé : mans | et habitans de nostreAbrégé : nre ville de MontpellierAbrégé : Montplr. Tres chers | et bien amez nous vous
signiffions que entre | les grans graces qu’il a pleu a Dieu nostreAbrégé : nre | createur nous faire, il nous en a ce jourduy | faict une
que nous tenons et repputons la | plus grande. C’est que en delougeantDéloger : quitter son
logement, son campement, décamper (Dictionnaire universel,
La Haye ; Rotterdam, 1690 ; édition électronique Garnier [consulté en octobre
2014],
5891). , avecquesAbrégé : avecqs | toute nostreAbrégé : nre armee du camp ou estions, près | Veyla, nous avons tellementAbrégé : tellemt poursuvy l’armee | de la seigneurie de Venyse, laquelle estoit | tant de gens a
cheval que en gens de pié de | quarante a cinquante mile hommes, que |
en leur fort nous leur avons livré la bataille | et après avoir combatu
l’espace de trois heures | et plus, son plaisir a esté de nous en donner l’onneurAbrégé : onner | et la victoire tellement que toute l’armee est | rompue et
desfaicte. Et par le rapport qui | nous en a esté faict, il en est
demeuré de mortz | sur le champ plus de quatorze mille, et | toute
leur monition[f] Comprendre «
munition ». et artilherie qui estoit __
[Fol. 472 v°]
__ trente
grosses pieces plus longues et plusAbrégé : pl | grosses que les nostres, et ung grant | nombre d’autre
menue artillerie et toute | leur monition[g] Comprendre «
munition ». prinse[h] Comprendre «
prise »., et d’autre part | le seigneurAbrégé : seigr Berthelemy d’Alviano qui estoit | le principal
chef et conducteurConductier :
chef
(Dictionnaire de la langue
française du seizième siècle, Paris, Honoré Champion, 1925 ; édition
électronique Garnier [consulté en octobre 2014], 10632). , en ceste | entreprinse pris prisonnier
et en noz | mains, qui sont choses procedans de la | grace et bonté de nostreditAbrégé : nred createur. Par quoy | nous vous prions et requerons tres iustementAbrégé : iustemt | et neantmoins vous mandons queAbrégé : q en luy rendantAbrégé : rendat | la gloire et recognoissence telle que en | tel cas
appartient, vous vueillez par prieres, | oraisons, processions generalles
et feu | de joye faire telle demonstracion de la | grace qu’il a
faicte non seulementAbrégé : seulemt a nous | mais a tout nostreAbrégé : nre royaulme, que son | plaisir soit nous aider au parachevementAbrégé : parachevemt | de nostredicte Abrégé : nredenprise[i] Comprendre «
entreprise »., et nous conserver, | preserver et garder en bonne santé en |
maniere que nous puissons enploier le | reste de noz jours en son
service, ainsi que | tousjours l’avons desiré et desirons, et |
entendre au repoz et soulaigement | de nostredictAbrégé : nred royaume et de noz subgectz. | Donné en nostreAbrégé : nre camp près Veila, le |
XIIIIe jour de may. Loys.
Robertet. | de par le roy ainsi signé ichi.
Année 1509 : commentaire historique
En 1509, le Petit Thalamus se focalise exclusivement sur les faits d’armes de Louis XII en Italie contre les Vénitiens. Cette année là, Jules II, pape (1503-1513) et soldat, rêve de dominer et unifier toute l’Italie. Dès son avènement, il a commencé à rétablir l’ordre parmi ses vassaux dans les États pontificaux pendant une paix relative de cinq ans, inquiétant Venise, dont la Terra Ferma s’étendait alors jusqu’aux confins du Milanais et incluait les villes de Crémone, Brescia, Bergame, Vérone, Padoue, Trieste, voire disputait la Romagne au pape lui-même ainsi que plusieurs ports d’Apulie au roi de Naples. Au cours de l’année 1508, la République, considérée comme trop puissante, devient le point de mire de l’hostilité des autres puissances avec la mise en place de la ligue de Cambrai, fomentée par le pape avec la France, Ferdinand, Maximilien et la ville de Florence. Cette alliance mène à la défaite vénitienne évoquée dans le Petit Thalamus, avec la perte par la Sérénissime de la presque totalité de ses possessions de Terre Ferme. C’est la bataille de Vailate, comme on dit à l’époque. Elle est aujourd’hui plus communément appelée d’Agnadello (d’Agnadel pour les Français), nom d’un village voisin.
La guerre dans laquelle prend place cette bataille a été déclarée début avril, et Louis XII a passé les Alpes à la tête de 40 000 hommes constituant une armée de type nouveau : jamais la proportion de mercenaires étrangers n’avait été aussi faible, les nationaux étant privilégiés car plus disciplinés. Le roi mène ses troupes au combat malgré une santé très précaire. Il est à Milan le 1er mai. Après le 10, il avance contre les Vénitiens, ravageant les cités et châteaux refusant de se soumettre. À partir du 11 mai, l’armée française se retrouve sur le bord de l’Adda, près de Cassano, face à un corps d’armée vénitien commandé par le jeune et audacieux Bartolomeo Alviano. Dans les opérations des jours suivants, les Vénitiens reprennent la petite ville de Trevi tombée aux mains des Français. Louis XII se venge en faisant tomber la place de Rivolta. Fort de ce très relatif succès, il envisage de s’emparer de Vaila, point important proche de Lodi, pour couper aux Vénitiens toute communication avec Crémone, où ceux-ci ont leurs magasins. Mais ayant deviné cette intention, leurs chefs, Pittigliano et Alviano font rebrousser chemin à leurs troupes afin de couvrir au plus vite la place menacée. Le 14 mai, les Français rattrapent Alviano près de l’Adda au niveau du petit village d’Agnadel, qu’il vient d’occuper, alors que Louis XII avait bien compté s’y installer. Le roi de France décide de l’en déloger. Sous la pluie et le vent, la bataille s’engage. Alviano est capturé et une véritable tuerie se poursuit pendant plusieurs heures. Louis XII se bat avec fureur au milieu de ses hommes, donnant l’exemple. On parle de 8 000 à 10 000 morts côté vénitien contre 400 côté français. Bayard se jette, avec le gros des lances royales, sur les flancs des Vénitiens, faisant fuir dans la panique leur cavalerie. L’infanterie vénitienne continue de se défendre et se fait massacrer sur place en une horrible tuerie. Louis XII, comme ses hommes, frappe jusqu’à l’épuisement. Les Vénitiens perdent, avec tous leurs bagages, l’essentiel de leur belle artillerie. Les jours suivants, Louis XII marche victorieusement sur Caravaggio, Brescia puis Créma. La campagne n’aura duré que dix-sept jours, et le succès du roi de France est évident. Fidèle aux accords de Cambrai, l’empereur Maximilien accorde à Louis XII l’investiture pour le duché de Milan, les comtés de Pavie et d’Angleria et les seigneuries de Brescia, Bergame, Crémone, Créma et de la Ghiara d’Adda, nouvellement conquises sur les terres vénitiennes. Le roi de France a alors entièrement recouvré l’héritage des Visconti. Sa puissance en Italie est incontestable. Venise perd l’essentiel de ses possessions de Terre Ferme.
Bibliographie :
André Corvisier, Précis d’histoire moderne, Paris, PUF, 1999, 517 p.
François Guichardin, Histoire d’Italie, 1492-1534, tome I : 1492-1513, éd. établie par Jean-Louis Fournel et Jean-Claude Zancarini, Paris, Robert Laffont, 1996, 887 p.
Arlette Jouanna, Philippe Hamon, Dominique Biloghi et Guy Le Thiec, La France de la Renaissance. Histoire et dictionnaire, Paris, Laffont, 2001, 1226 p.
Didier Le Fur, Louis XII. Un autre César (1498-1515), Paris, Perrin, 2001, 329 p.
Bertrand Quilliet, Louis XII, père du peuple, Paris, Fayard, 1986, 518 p.