L’an mil cinq cens quarante | quatre feurent consulz, |
sire Hugues Boguin, borgeoysAbrégé : borgoys,
sire Nicholas Vignes, drappier,
messireAbrégé : me Jehan Perdrix, chirurgien,
Germany Mariotte, canabassierCanabassier :
tisserand de toiles de chanvre et d'articles de lingerie, serviettes, nappes, sacs
(Dictionnaire des institutions, des
coutumes, et de la langue en usage dans quelques pays de Languedoc de 1535 à
1648, Montpellier, imprimerie Déhan, 1964, 728 p., p. 120). , ,
Francoys Jehan dict tancoste,
Nicholas Belugue, laboureur. En ceste annee estoict en France | et en Puechmont grand guerre | de
l’empereur et du roy
d’Angleterre | contre le roy Francoys
et en Puechmont, et lieu | dict a
Cerezolles y eust une griefve et sanguilonte[a] Comprendre «
sanglante ». | bataille gaignee valheureusement par les | Francoys contre
les Imperiaulx le XIIIe | d’apvril audictAbrégé : aud an, estant chef de l’armee francoyse | le seigneur
d’Anglien avant nomméAbrégé : nomé, pour | revenche de quoy l’empereur en
parsonne | entrant par la Champaigne print Sainct
Dizier | et autresAbrégé : aues villes fortes sur la riviere de | Marne, jusques a Espremon, tellement que | a Paris surprant les habitantz telle peur |
que desia[b]Comprendre « déjà
». par eaue et par terre s’en fuyoient | a grandz trouppes,
mays Dieu succita aulcungz | moyenneurs de la paix que feust faict |
entre les deux princes estant en armes près | l’ung de l’autreAbrégé : aue a Crepy, envyron la my septenbreAbrégé : septen | dudictAbrégé : dud an, au grand soullaigement du peuple, | cependant qu’en mesme
temps le roy Henry | d’Angleterre en parsonne passee
la mer | assigeoyt aussi la ville de Boloigne sur | la mer en Picardie, distant d’une
jornee | de Calays, ville de grand consequenceAbrégé : consequen et tres fort | port de mer et frontiere, laquelle ce
randit | a luy finalement.
Année 1544 : commentaire historique
L’année 1544 est marquée par la reprise des hostilités entre le royaume de France et les monarques espagnols et anglais d’une part. Les combats s’ouvrent sur deux fronts. Le premier est au nord est du royaume. La victoire du duc François d’Enghien sur les troupes impériales menées par le marquis de Guast à Cérisoles, en Piémont, permet la prise de Carignan et rend la France maîtresse du Montferrat, région stratégique pour le contrôle du Camiño español. Le terme désigne cette route à la fois terrestre et maritime qui permettait l’approvisionnement en hommes, en or et en munitions des troupes espagnoles et impériales établies dans les Flandres. Sans ce dispositif, c’est l’ensemble des possessions dispersées de la monarchie hispanique qui est menacé. C’est aussi la raison pour laquelle la réaction de Charles Quint est aussi forte. Ses troupes franchissent la frontière, prennent Saint-Dizier le 17 août, dévastent Château-Thierry. La route de Paris est ouverte raison pour laquelle la ville se met en défense tandis que ceux qui le peuvent préfèrent partir et regarder de plus loin la suite des événements. L’offensive de Charles Quint, qui atteint Meaux à proximité de Paris, s’interrompt brutalement, essentiellement en raison du manque d’argent. Mais ces opérations montrent que le théâtre d’affrontement n’est plus l’Italie mais le nord est de l’Europe, où les richesses comme les tensions s’accumulent. Le 18 septembre 1544 est signé le traité de Crépy : François Ier renonce encore une fois à l’Artois et à la Flandre. Mais il se hâte aussi de renforcer les forteresses de l’Est. Dans le même temps, profitant de la situation, Henry VIII d’Angleterre assiège et enlève Boulogne sur mer (Picardie), l’un des principaux ports et véritable porte d’entrée dans le royaume. En paix avec Charles Quint depuis 1543, le roi d’Angleterre en prise aux difficultés intérieures que lui valent son divorce et la réforme des monastères entend ainsi redorer son blason dans les opérations extérieures. La « Auld alliance » est visée. Henry VIII mène d’abord une incursion contre l’Écosse pour faire accepter par la force le mariage de son fils avec l’infante Mary d’Écosse. Le conflit a pris le nom de « Rough Wooing ». Le royaume de France, venu en aide aux Écossais, est ensuite attaqué. A la tête de 48 000 hommes, les comtes de Norfolk et Suffolk effectuent la traversée ; le 14 juillet Henri VIII débarque à son tour et tente d’incarner à nouveau la figure du roi-chevalier ; mais Henry VIII doit se contenter du siège de Boulogne dans laquelle il finit par entrer le 18 septembre, le même jour que le traité de Crépy. La volonté de prendre pied sur le continental demeure pour l’Angleterre une nécessité politique et culturelle, tant celle-ci n’est pas encore une île et tant ses anciennes revendications sur les terres du royaume de France ne sont pas éteintes.
En attestant de ces faits lointains, la chronique arrime la ville de Montpellier à l’histoire du Royaume. Le fracas des armes, les victoires, les défaites, les criantes et les espoirs sont ainsi intégrés et mis en scène dans le récit urbain.
Bibliographie :
Thomas F. Arnold, Les Guerres de la Renaissance, XVe-XVIe siècles, Paris, Autrement, « Atlas des guerres », 2002, 224 p.
Bernard Cottret, Histoire d’Angleterre, XVIe-XVIIIe siècle, Paris, PUF, « Nouvelle Clio », 2003.
Jacques Heers, L’histoire oubliée des guerres d’Italie, Paris, Gallimard, 2003, 144 p.
Geoffrey Parker, The Army of Flanders and the Spanish Road, 1567-1659, Cambridge, PUC, 1984, 309 p.