L’an M Vc LIX furent consulz
les seigneursAbrégé : seigs que s’ensuivent, |
noble Simon Saudre, seigneurAbrégé : seigr de SainctAbrégé : St George
sireAbrégé : se Jehan Salamon, bourgeois,
sireAbrégé : se Sauvaire Magret,
sireAbrégé : se Jaques de Buzens,
sireAbrégé : se Laurens Coste,
sireAbrégé : se Jehan de Lostal.
LeditAbrégé : Led an et le xxii may, monseigneur de Joyeuse, lieutenantAbrégé : lieuten | pour le roy en Languedoc, arriva en poste venant de la | court auquel incontinant les seigneurs consulz | advertis de sa venue et apres son disnee avec leurs | robbes et chapperons et leur acesseur, ouvriersOuvriers (de la commune clôture) : officiers chargés de la construction, de l'inspection, de l'entretien et de la défense des murailles, la fonction, mentionnée dès 1196, n'est pas sans prestige ; il y a un ouvrier par échelle, c'est à dire par groupe représenté au consulat (Arch. mun. Montpellier, EE 375). | et aultresAbrégé : aues notables personnages de laditeAbrégé : lad ville | allarent fere la reverence et remercier le bien | qu’il avoyt faict cy devant a laditeAbrégé : lad ville, en le | suppliant de continuer et l’avoir en | recommandationAbrégé : recommandaon en soulagemant du pouvre peuple, | et ce faisant le priarent les fere participans de | la paix affin que icelle ville commeAbrégé : come la segonde | de Languedoc peult rendre graces a Dieu tout | ainsi que avoict deja faict les aultresAbrégé : aues bonnes | villes duditAbrégé : dud pais, et pour fere cognoistre a | tous qu’ilz estoint et veullent estre bons et | obeyssans subgectz et amateurs de laditeAbrégé : lad paix | tant desiree qu’il a pleu a Dieu nous donner, | et que leditAbrégé : led seigneur leur a promiz et commandé | de fere, et layssé le double de laditeAbrégé : lad cryé cy | presse escript.
[Fol. 516 r°]
__
Le lendemain vingtroysiesme duditAbrégé : dud moys, messieurs | les jugemageJuge mage : magistrat le
plus élevé en dignité et en hiérarchie d'une juridiction (Dictionnaire des institutions, des
coutumes, et de la langue en usage dans quelques pays de Languedoc de 1535 à
1648, Montpellier, imprimerie Déhan, 1964, 728 p., p. 432). , de laditeAbrégé : lad ville et lesditsAbrégé : lesd seigneurs consulz | ayant communiqué avec monseigneur
l’evesque de | Montpellier et tout le clergé sur ce,
ordonnarent | que l’on feroict sonner les cloches dez esglizes de laditeAbrégé : lad | ville durant une heure et plus, ainsi qu’est de coustume |
fere en recepvant telles bonnes nouvelles. Et le | mesme jour a huict
heures de matin, lesditsAbrégé : lesd seigneurs | jugemageJuge mage : magistrat le
plus élevé en dignité et en hiérarchie d'une juridiction (Dictionnaire des institutions, des
coutumes, et de la langue en usage dans quelques pays de Languedoc de 1535 à
1648, Montpellier, imprimerie Déhan, 1964, 728 p., p. 432). , , lieutenantAbrégé : lieuten avec les advocat et procureursAbrégé : procur du roy, | tresorier et conterrolle de laditeAbrégé : lad court en corps | sont partis du palais et sont allés a l’esglize | cathedralle Sainct
Pierre, et ainsi lesditsAbrégé : lesd seigneurs | consulz, ouvriersOuvriers (de la commune clôture) : officiers chargés de la construction, de l'inspection, de
l'entretien et de la défense des murailles, la fonction, mentionnée dès 1196, n'est
pas sans prestige ; il y a un ouvrier par échelle, c'est à dire par groupe représenté
au consulat (Arch. mun. Montpellier, EE 375). et greffiers du consolat
avec | leurs robbes et chapperons rouges en corps | accompanhés de
plusieurs notables personnages de laditeAbrégé : lad | ville sont partis du consulat et allés en laditeAbrégé : lad | esglise en laquelle
estoint lesditsAbrégé : lesd seigneurs evesque | et clergé. Et illecIllec : en ce
lieu-là
(Dictionnaire de la langue
française du seizième siècle, Paris, Honoré Champion, 1925 ; édition
électronique Garnier [consulté en octobre 2014], 28378). ,
assemblés a esté celebree | une grand messe et faict solemnemant chanter | Te deum laudamus et aultresAbrégé : aues chozes et deprecationsAbrégé : deprecaonsDéprécation :
prières (Dictionnaire de la langue
française du seizième siècle, Paris, Honoré Champion, 1925 ; édition
électronique Garnier [consulté en octobre 2014], 14435). , | en tel cas acoustummées rendant graceAbrégé : grce a Dieu de | veoir en noz jours laditeAbrégé : lad paix tant desiree et necessere | au pouvre peuple.
Lendemain apres disner, lesditsAbrégé : lesd seigneurs jugemageJuge mage : magistrat le
plus élevé en dignité et en hiérarchie d'une juridiction (Dictionnaire des institutions, des
coutumes, et de la langue en usage dans quelques pays de Languedoc de 1535 à
1648, Montpellier, imprimerie Déhan, 1964, 728 p., p. 432). , | consulz, ouvriersOuvriers (de la commune clôture) : officiers chargés de la construction, de l'inspection, de
l'entretien et de la défense des murailles, la fonction, mentionnée dès 1196, n'est
pas sans prestige ; il y a un ouvrier par échelle, c'est à dire par groupe représenté
au consulat (Arch. mun. Montpellier, EE 375).
et aultresAbrégé : aues en bon nombre des plus | notables personnages de laditeAbrégé : lad ville se seroint assemblez | au consolat et partant de là avec leurs
robbes | rouges montés a cheval honnorablemant, les six | escuyers
avec leurs masses d’argent, les six trompettes et les quatre auboys
devant toutz a __
[Fol. 516 v°]
__ cheval, ont faicte la cryé
des publication de laditeAbrégé : lad | paix suyvant le commandemant du roy et duditAbrégé : dudseigneurAbrégé : sr | de Joyeuse son lieutenantAbrégé : lieuten, premièremantAbrégé : premièrema au devant duditAbrégé : dud | consolat, à la Pierre, à la Sounnerie, au palais , et au pillat |
Sainct Gilles et aultremantAbrégé : auemant ainsi que de laditeAbrégé : lad cryé et | publicationAbrégé : publicaon appert par les actes sur ce faictes.
Et leditAbrégé : led jour apres soupper, lesditsAbrégé : lesd seigneurs et juge | mage, consulz et ouvriersOuvriers (de la commune clôture) : officiers chargés de la construction, de l'inspection, de
l'entretien et de la défense des murailles, la fonction, mentionnée dès 1196, n'est
pas sans prestige ; il y a un ouvrier par échelle, c'est à dire par groupe représenté
au consulat (Arch. mun. Montpellier, EE 375).
avec grand multitude | de gens notables et aultresAbrégé : aues menu peuble de laditeAbrégé : lad ville | en grand nombre assemblés au devant du consulatAbrégé : ꝯsulat | pour fere le feu de joye et randre graces a | Dieu de ce
que luy a pleu en noz jours donner laditeAbrégé : lad | paix, le suppliant de la confirmer tout ainsi | qu’il
scayt et cognoit nous estre necessereAbrégé : necesse. | Et avant allumer leditAbrégé : led feu que estoit | preparé au devant dudit Abrégé : dudconsolat, au millieu |
duquel y avoit ung arbre et au dessus ung | chateauAbrégé : cheau et en effigie et au dessus dudit Abrégé : dudchateauAbrégé : cheau | l’ymage de Mars, dieu dez batalhes armé, | tenant sa lance
a une main, son escu a l’aultre | ou estoint les armes de laditeAbrégé : lad ville, et les | chozes ainsi honorablemant et deuemantAbrégé : deuema[a] Comprendre «
dûment ». preparees, | apres ce que les cloches, artilherie et auboys, |
l’ung apres l’aultreAbrégé : aue, eurent sonné avec grand nombre | de fuzees que feurent gectees
de toutes partzAbrégé : ptz, | mesmemant de la tour du
relotge, et aussi les | chantres de Sainct Pierre premierementAbrégé : premiereheurentAbrégé : heuren | chanté et rendu graces, tout a ung momment | furent
gectees plusieurs fuzades et entre aultresAbrégé : aues | une partant de la maison de maistreAbrégé : me Michel Eroard | tirant droict contre l’effigie duditAbrégé : dud dieu Mars, en sorte que le feu allumé dans le canon ou il
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[Fol. 517 r°]
__[b]erreur de
répétition des deux mots suivantsou il estoit pouzé le feist saulter si hault que | tout le monde le
perdist de veue, en signiffiant | que la paix avoyt chassé Mars, dieu des
batalhes. | Et au demurant le gros feu feust allumé par messieurs |
les jugemageJuge mage : magistrat le
plus élevé en dignité et en hiérarchie d'une juridiction (Dictionnaire des institutions, des
coutumes, et de la langue en usage dans quelques pays de Languedoc de 1535 à
1648, Montpellier, imprimerie Déhan, 1964, 728 p., p. 432). , et deux consulz, chescung tenant une | torche
allumee a la main, et aussi en quatre coingz | du hault du clocher de NostreAbrégé : Nre Dame de Tables | le feu y feust allumé que dura
ung long temps, | et cependant chantoint tousjours lesdictsAbrégé : lesd chantres | heures et oraisons et aussi lesdictesAbrégé : lesd trompettes, tambourins | et hauboys, les ungz apres les aultresAbrégé : aues, continuant | jusques que le feu de joye feust presque
extainct. | Et apres tout le monde entra au consolat ou | la collationAbrégé : collaonCollation :
sermon
, mais aussi attribution de charge, ou encore repas
léger après le souper
selon le contexte (Dictionnaire de la langue
française du seizième siècle, Paris, Honoré Champion, 1925 ; édition
électronique Garnier [consulté en octobre 2014], 10016). , estoit preparee et les dances dressees |
en signe de resjouyssance, a laquelle collationCollation :
sermon
, mais aussi attribution de charge, ou encore repas
léger après le souper
selon le contexte (Dictionnaire de la langue
française du seizième siècle, Paris, Honoré Champion, 1925 ; édition
électronique Garnier [consulté en octobre 2014], 10016). , feurent | donnees
vin blanc, vin rouge, tourtilhons[c] Comprendre «
petite tourtes ». , dragee et | fruytages, et ladicte Abrégé : ladcollationAbrégé : collaonCollation :
sermon
, mais aussi attribution de charge, ou encore repas
léger après le souper
selon le contexte (Dictionnaire de la langue
française du seizième siècle, Paris, Honoré Champion, 1925 ; édition
électronique Garnier [consulté en octobre 2014], 10016). , faicte et les dances | finyes chescunAbrégé : chun se retira en sa maison pour en icelles | continuer chescung en
son endroict a rendre graces a | Dieu et le prier nous voulloir conserver
et tenir | en paix et transquillité spirituelle de noz consciences |
et temporelles aussi, telles queAbrégé : qnostreAbrégé : nre Dieu cognoyt noz[d] Comprendre «
nous ». | estre requizes et necessaires par sa infinye bonté | et
misericorde. Amen.
[e]retrait à droite Par commendementAbrégé : commendemet de mesdits Abrégé : mesdseigneursAbrégé : ss | les consulzAbrégé : ꝯsulz, | [f]en retrait à droite, en forme de signatureBoschonis
Année 1559 : commentaire historique
La narration pour l’année 1559 est divisée en deux parties, situées à deux endroits différents du manuscrit, l’une qui évoque la paix signée par le roi, l’autre qui traite de sa publication à Montpellier.
Le Petit Thalamus mentionne ainsi la paix entre le roi de France et le roi Philippe II d’Espagne, signée au Cateau-Cambrésis le 3 avril. Ce traité de paix mit définitivement fin aux guerres d’Italie, débutées au siècle précédent par Charles VIII, et à toute prétention française sur des terres de la péninsule italienne. Le royaume de France renonçait aussi à toute prétention sur des territoires espagnols ou savoyards et rétrocédait la plupart des terres conquises sur ces deux États.
Mais la chronique narre aussi, inévitablement, la mort accidentelle du roi, survenue lors des festivités de célébration de la paix. Cette dernière fut scellée par deux mariages, l’un contracté par le roi Philippe II – représenté par le duc d’Albe (Fernando Álvarez de Toledo y Pimentel) – avec la fille aînée d’Henri II, la princesse Elisabeth, et l’autre conclu entre le duc de Savoie, Emmanuel-Philibert, et Marguerite de Valois, sœur du roi de France. Un coup de lance malheureux, porté par le comte de Montgomery lors d’un tournoi, le 30 juin, provoqua la mort du roi quelques jours plus tard, le 10 juillet. La chronique évoque ainsi cette « allegresse de la paix convertie en extreme dueilh » et l’accession au trône de son premier fils, le dauphin François, roi d’Écosse, âgé de quinze ans.
L’autre partie de la narration de l’année 1559 raconte la réception à Montpellier du vicomte de Joyeuse, lieutenant pour le roi en Languedoc, venu faire publication de la paix. Le 22 mai, Joyeuse entra dans Montpellier où il reçut les consuls et notables de la ville, lesquels lui réitérèrent leur volonté d’être partisans de la paix, « bons et obéissants sujets », ce que le lieutenant agréa. Le lendemain, 23 mai, après avoir pris connaissance de la reconnaissance de Joyeuse, le pouvoir municipal et le clergé de la ville firent sonner les cloches puis les officiers du roi et les consuls se rendirent en robes jusqu’à la cathédrale Saint-Pierre où l’évêque célébra la messe. Puis, le « lendemain après disner », publication fut faite de la paix du Cateau-Cambrésis, par commandement de Joyeuse, et on brûla une effigie de Mars, « dieu des batalhes », dans un feu de joie dressé devant le consulat. La fête fut longue, au son des cloches, des instruments de musique et des canons, « jusques que le feu de joye feust presque extainct », puis vint le temps d’une grande collation arrosée de vin blanc et de vin rouge.
Ce que la chronique ne dit pas, c’est qu’au-delà de la volonté de paix ouvertement manifestée, de la prestation réitérée d’un « serment de fidélité » au nouveau roi (Arch. mun. Montpellier, BB 393, f. 39 v°, délibération du 29 juillet 1560), deux communautés religieuses s’étaient déjà singularisées. La religion réformée avait fait de nombreux adeptes dans la ville et, malgré la clandestinité des assemblées calvinistes, il semble possible d’affirmer que le premier consul, Simon Sandre, était huguenot, tout comme le troisième consul, Sauvaire Magret, ainsi que plusieurs membres du conseil des Vingt-quatre de la même année : Charles Recolin, Pierre de Combes, Guillaume Gauceran, Jean Myot et Claude Fesquet.
Bibliographie :
Arlette Jouanna, Philippe Hamon, Dominique Biloghi et Guy Le Thiec, La France de la Renaissance. Histoire et dictionnaire, Paris, Laffont, 2001, 1226 p.passim.
David Rubio, Le pouvoir municipal et le protestantisme à Montpellier, 1559-1562, mémoire de master II, Montpellier, Université Paul Valéry, juin 2013p. 86.