L’an mil cinq cens soixante | feurent consulz, |
noble Guillaume de Chaume, seigneur de
Poussan,
sire Domergue Baron, borgeois, |
MessireAbrégé : Me Estienne Clericy, bachillier ez
droictz,
[Fol. 531 v°]
__
Jehan Myot, merchant,
Benoict Vidal, blanchierBlanchier : chamoiseur,
tanneur, ouvrier qui apprête des peaux, (Dictionnaire des institutions, des
coutumes, et de la langue en usage dans quelques pays de Languedoc de 1535 à
1648, Montpellier, imprimerie Déhan, 1964, 728 p., p. 86 ; , Dictionnaire de la langue
française du seizième siècle, Paris, Honoré Champion, 1925 ; édition
électronique Garnier [consulté en octobre 2014], 5385). , ,
Pierre Bonassier, masson.
Ceste annee comencerent en ce royaulme ces | tant grandz troubles
pernicieux de guerres civiles | pour le faict de la relligion, assavoir
que les | luthuriens hereticques par leurs oppignions
| c’estant retranchés de la foy, croyance et hobeyssanceAbrégé : hobeyssan | de l’esglise catholicque romayne et de nostre sainct |
père le pape et lesquelz auparavant on solloictSouloir : avoir coutume (Dictionnaire de la langue
française du seizième siècle, Paris, Honoré Champion, 1925 ; édition
électronique Garnier [consulté en octobre 2014], 50065). , | punir de mort
c’esleverent et magniffesterent | tout ouvertement en plusieurs villes
et lieux | de cedict Abrégé : cedroyaulme, faysant assamblees et en | icelles prescher leurs predicateursAbrégé : predicateu dictz ministres, | cy que pour la multitude fallut l’endurer,
| mesmes a Montpellier
feurent introduictz lesdictzAbrégé : lesd | ministres au mois de juillet dudict Abrégé : dudan, soy | disant eulx la relligion refformee et nommés |
par les catholicques huguenotz ou de la novelle |
relligion. Au mois d’octobre ensuyvant feust | par le roy envoyé en ce
pays monseigneur Abrégé : monsrle conte de | Villar lieuctenantAbrégé : lieucten generalAbrégé : gnal du roy qui tient les | estatz a Beaucaire et appres faicte levee de gens de | guerre
s’en vint a Montpellier ou myt en
garnison, | la reduysant en forme de ville frontiere et de | garde,
et ainsi y cessa l’exercisse de ladicteAbrégé : lad relligion | et ladicteAbrégé : lad ville que seulloictSouloir : avoir coutume (Dictionnaire de la langue
française du seizième siècle, Paris, Honoré Champion, 1925 ; édition
électronique Garnier [consulté en octobre 2014], 50065). , estre libre a esté __
[Fol. 532 r°]
__ et de tout plaisir fust
deslors et pour longues | annees suyvantz asservie, ledictAbrégé : led seigneur comte ung mardy | dixneufviesme de novembre ensuyvant
commanda | estre faicte grand procession generalleAbrégé : gnalle partant de | l’esglise Sainct Pierre en laquelle acistoient grand |
multitude de peuple, faicte pose au devant du consollat | il fist fere par messire Abrégé : mePierre Delacoste juge mage | de ladicteAbrégé : lad ville une grand remonstrance au peuple | pour demeurer loyaulx
et hobeyssantz a sa mageste | a quoy feust par le peuple consanti par
grandz acclamationsAbrégé : acclamaons | criantz vive le roy. Ce faict, de Montpellier s’en alla | ledictAbrégé : led seigneur comte devers les Cevenes ou estoit la | source et faulteurs
principaulx desdictzAbrégé : desd huguenotz. Au notaAbrégé : na[a] en marge
gauche, sans insertion dans le texte mois de decembre, le roy, pour provoir[b] Comprendre «
pourvoir ». aulx comencementz | de ses troubles les estatz generaulx du
royaulme | en la ville d’Orleans
ou icceulx estatz tenantz, | decceda le cinquiesme dudictAbrégé : dud moys appres avoir | regné envyron quinze mois, layssant pour
| successeur en la couronne monseigneur le | duc d’Orleans son frere dict Charles
neufviesme[c]Charles IX, roi
de France, | eagé de unze ans seullement, dont y eust de | grandz
changementz au royaulme.
Année 1560 : commentaire historique
L’année 1560 est décrite ici comme l’année du début des « grandz troubles pernicieux de guerres civiles pour le faict de la relligion ». Les « luthuriens hereticques » – en réalité il s’agissait surtout de calvinistes – auparavant punis de mort, se manifestaient maintenant ouvertement dans les villes du royaume, comme le souligne la chronique. Ils se réunissaient en assemblées dirigées par des prédicateurs « dictz ministres ». A Montpellier, au mois de juillet, les ministres de « la soy disant […] relligion refformée », dont le dénommé La Chasse, s’emparèrent par les armes de l’École-Mage (Arch. mun. Montpellier, GG4, p. 1, Plumitif Histoire de l’Eglise de Montpellier). En septembre, des « étrangers » entrèrent dans la ville avec « toutes sortes d’armes » sans que les gardes engagées et dirigées par le capitaine de la santé ne « puissent rien entreprendre » (Arch. mun. Montpellier, BB 393, f. 43 v°, délibération du 24 septembre 1560). Néanmoins, la population réformée de la ville tendaient à renier ces heurts, en confirmant sa fidélité au roi. Le Thalamus mentionne alors l’arrivée, en octobre 1560, d’Honorat de Savoie, comte de Villars et lieutenant général, mandé par le roi pour ouvrir les états de Languedoc, réunis à Beaucaire le 11 de ce mois, et pour lutter dans la province contre l’extension de « l’hérésie ». Ayant levé une armée catholique, mise en marche sur Montpellier, Villars fit cesser toute prédication protestante. Le ministre La Chasse, prédicateur de Montpellier, dut fuir.
Le 19 novembre 1560, le comte organisa une grande procession partant de l’église cathédrale Saint-Pierre. Pour surveiller la ville, il nomma Pierre de la Coste à la charge de juge-mage. Après avoir maté les huguenots de Montpellier, il partit écraser ceux des Cévennes afin de préparer au mieux les États Généraux d’Orléans tenus en décembre. Cependant, en l’absence du lieutenant général, le juge-mage de Montpellier fut accusé de corruption dans les élections consulaires de 1560 et engagé dans un procès ouvert contre le consulat (Arch. mun. Montpellier, BB 393, f. 31 v°, délibération du 8 avril 1560). Déclaré « ennemi capital » du pouvoir municipal pour avoir monnayé de
, il se réfugia même au sein de l’église Saint-Pierre, demandant protection à l’évêque (Arch. mun. Montpellier, BB 393, f. 40 v° - 41, délibération du 8 septembre 1560). Dès lors, les réformés, déjà fortement implantés dans le pouvoir municipal, n’eurent plus aucun obstacle à la prise de contrôle de la ville.Après quinze mois de règne, le roi François II mourut le 5 décembre 1560, au cours de la session des États généraux à Orléans. Son frère, le duc d’Orléans (Charles IX), âgé de onze ans, lui succéda. Cette instabilité politique à la tête du royaume fut favorable à une influence grandissante des communautés calvinistes alors que le ministre La Chasse revenait à Montpellier dès la mort de François II (Arch. mun. Montpellier, GG4, p. 2, Plumitif Histoire de l’Eglise de Montpellier).
Bibliographie :
Arlette Jouanna, Philippe Hamon, Dominique Biloghi et Guy Le Thiec, La France de la Renaissance. Histoire et dictionnaire, Paris, Laffont, 2001, 1226 p.passim.
David Rubio, Le pouvoir municipal et le protestantisme à Montpellier, 1559-1562, mémoire de master II, Montpellier, Université Paul Valéry, juin 2013p. 86.