L’an mil cinq cens soixante | ung feurent
consulz, |
Monseigneur Abrégé : MonsrmessireAbrégé : me Jacques David, docteur ez droictz, conseigneur |
de Montferrier,
sire Anthoine Huc, merchant drappier,
sire Gaspard Mariotte, especiaire[a]Comprendre « épicier ».,
sire Jehan Rey, appoticaire,
Anthoine Boyer, bochier[b]Comprendre « boucher ».,
Jehan Vales, laboureur.
Sur la fin de mars dudictAbrégé : dud an, feurent tenuz dez | estatz particulliers du pays de
Languedoc a | Montpellier soubz monseigneurAbrégé : monsr le visconte de | Joyeuse, lieuctenant Abrégé : lieuctengeneral Abrégé : gnaldu roy par la | cession du seigneur Abrégé : srcomte de Villars. Appres | Pasques audictAbrégé : aud an feust remis en ladicte Abrégé : ladville | l’exercisse de la novelle relligion, ouvertement |
preschantz les ministres publicquement ez | maysons privees sans
contredict et d’aultreAbrégé : d’aue | part Abrégé : ptles prescheurs catholicques ez esglises, | avec grand emulation
du peuple d’ung cousté | et d’aultreAbrégé : d’aue, nonobstant que par edict du moys | de juillet publié a
MontpellierAbrégé : Montpell le trentiesme d’aoust | feust prohibee ladicteAbrégé : lad novelle relligion. Au mois __
[Fol. 533 r°]
__ de septembre ansuyvant, a Poyssi lez Paris[c]Poissy, | feust par permission du roy tenu concille nationnal | et
faict colloque d’entre les prelatz catholicques | de France et certains ministres de ladicteAbrégé : lad novelle | relligion, de laquelle assamblee ne sortist aulcune | ressolutionAbrégé : resolluon. Cependant a Montpellier
les huguenotz, | estantz les plus fortz, ce saizirent de
l’esglise | NostreAbrégé : Nre Dame de Tables et y comenser fere prescher, |
et quant a l’aultel et plusieurs beaulx | meuble d’argenterie que y
avoyt en ladicteAbrégé : lad | esglise feurent mis par inventaire ez mains | des
consulz. Ce voyant messieurs de l’esglise | cathedralle Sainct Pierre mirent gens de | guerre dans ledictAbrégé : led lieu et ce retirerent | la plus part eulx et aultres du clergé
| de la ville, dont les huguenotz de ladicteAbrégé : lad ville | prindrent les armes et assiegeantz ledictAbrégé : led lieu, | finablement ung lundy vingtiesme d’octobre | y
entrarent par force et tuarent le gardien dez cordelliers | c’y estant
retiré et 30 ou 40 aultres personnes | chanoynes ou aultres, et heussent
pis faict ne feust | le secours d’aulcungz des principaulx de ladicteAbrégé : lad relligion | y occurrus[d]Comprendre «
accoururent » pour occupper et empecher l’essort | de ce peuple, lequel
neanlmoingz ce mit a | piller toute la mayson, mectre bas les aultelz
| et ruyner tout le dedans de l’esglise __
[Fol. 533 v°]
__ et garnie, et sans leurs chefz heussent
forcé | la sacrestie ou estoict le trezor, relicquiaires, joyaulx |
et ornementz de l’esglise dez plus beaulx et riches | du pais, mays lesdictzAbrégé : lesd chefz et principaulx susdictzAbrégé : susd | l’empecherent pour l’heure, jacoyt qu’ilz[e]Comprendre «
quoiqu’ils ». ce firent | bailler lez clefz et en fin tout leur demeura. |
De ce pas ledictAbrégé : led peuple s’en coureut par toutes les | esglises, conventz et
chappelles qu’il y avoict en | ladicteAbrégé : lad ville, tant dehors que dedans d’envyron soixante, | et y
entrans par force ruynerent et mirent bas | toutz les aultelz, images,
chappelles, treilhes de | fer, victres, libres dez libraries et du
service divin | et tant de beaulx seppulcres et monumentz eslevés |
qu’il y avoict, pillantz tout ce qu’ilz y pouvoient | attaindre et
heussent tout bruslé et thué moynes, | relligieux et prebstresAbrégé : pbres dont en y avoict grand nombre | en ladicteAbrégé : lad ville, n’eussent esté empechés par les consulz, | noblesse et aultresAbrégé : aues dez principaulx d’entre eulx et | de ladicte Abrégé : ladrelligion qui firent saulver lesdictzAbrégé : lesd parsonnes | ecclesiasticques et fermer lez portes dez conventz
et | esglises, quelzcungz neanlmoingz y feurent attrappés. | Et
ainsi en ce jour vingtiesme d’octobre 1561 cessa | en ladicteAbrégé : lad ville l’exercisse total de la religion et | eglise catholicque
romayne et comenserent les | huguenotz demeurer en la ville sans
aultrement | offencer lez catholicques, officiers et aultresAbrégé : aues, | de mesmes queAbrégé : q a Montpellier fust
exploicté __
[Fol. 534 r°]
__ a Nismes, Lunel,
Ginhac et aultres endroictz du
pays, | voyre du royaulme, sans que parsonne s’opposast, |
continuant tousiours ce peuple ruyner quelque ediffice | ecclesiasticque
et faire plusieurs aultresAbrégé : aues insollances. | Au commancement de febrier suyvant audictAbrégé : aud an prins | a l’ IncarnationAbrégé : Incarnaon feust publié aultreAbrégé : aue edict du roy faict | en janvier precedent de mesme soubstance
que les | lecttres Abrégé : lrespubliees auparavant fois, qu’il estoict prohibé | aulx
ministres prescher dans les villes, parquoy | a Montpellier ce mirent a prescher dans le
fossé de la | porte de Lattes a main droicte en
sortant. En vertu | duquel edict commeAbrégé : come permisif de ladicteAbrégé : lad novelle relligion, | a TholoseAbrégé : Thle, CarcassonneAbrégé : Carcane et aultresAbrégé : aues villes du pays vollurent | les huguenotz introduire leur relligion, dont s’en |
ensuyvrent beaulcoup de maulx, et incontinant | commeAbrégé : come aussi a Paris, Lyon et aultres Abrégé : auesendroictz du royaulme.
Année 1561 : commentaire historique
La chronique indique d’abord la tenue, du 21 au 25 mars 1561, dans la salle haute de la Loge, de l’assemblée des états du pays de Languedoc, présidés par Guillaume Pélissier, évêque de Montpellier. Le vicomte de Joyeuse, lieutenant général du roi par la cession du comte de Villars, y fut commissaire du roi, aux côtés de deux magistrats de la cour des Aides, Pierre de Panisse et François Chefdebien.
Joyeuse était déjà venu à Montpellier en mai 1559 pour publier la paix du Cateau-Cambrésis (voir l’année 1559) ; il avait alors tenté de créer un climat pacifique dans la ville mais avait échoué. Les tensions s’étaient accrues en 1560 (voir l’année 1560). À Pâques 1561, les ministres réformés prêchaient publiquement dans les maisons privées tandis que les prédicateurs catholiques le faisaient dans les églises. En outre, le consulat élu pour l’année 1561 était majoritairement composé de calvinistes : seul le sixième consul ne l’était pas. Pourtant, comme le rapporte le Petit Thalamus, l’édit de Saint-Germain-en-Laye, donné en juillet 1561, interdisait
, en attendant la tenue d’un concile général (voir le préambule de l’édit de Janvier). Justement, en septembre 1561 fut tenu un « concille nationnal », à « Poyssi lez Paris ». Mais du colloque de Poissy ne sortit aucune résolution commune. Ce fut, de fait, la dernière tentative de rapprochement religieux.La paix faisait long feu. Le consulat, réformé, laissa la prédication calviniste se faire à l’église Notre-Dame des Tables (Arch. mun. Montpellier, GG4, p. 4, Plumitif Histoire de l’Eglise de Montpellier). L’autel et les meubles d’argenterie y furent saisis, inventoriés et confiés aux consuls. Le clergé de la cathédrale, sur la défensive, mit alors des
dans l’église Saint-Pierre avant de quitter la ville. Dans un mouvement de fièvre iconoclaste, des huguenots assiégèrent l’édifice le 20 octobre, s’en emparèrent et commencèrent à le mettre à sac, jusqu’à ce que des notables réformés – – vinssent brider sur le point de piller le trésor de la cathédrale. Mais si les réformés parvinrent à prendre le contrôle de Saint-Pierre après l’assaut populaire, ils ne purent empêcher que vandalisât de la ville et tuât quelques . Le 20 octobre cessa ainsi, selon le Thalamus, tout exercice de la religion catholique dans la ville de Montpellier. Dès lors, comme à Nîmes, Lunel ou Gignac, les huguenots contrôlèrent la ville .Enfin, la chronique mentionne, au début de l’année 1562 (1561 ancien style), la publication de l’édit de Janvier qui, loin d’être cité comme fondateur d’une tolérance civile (n’étant pas question de constituenda religione, sed de constituenda republica, selon les mots de L’Hospital), est signalé comme fauteur
dans tout le royaume parce que .Bibliogaphie :
Adolphe Baudoin et Félix Pasquier, Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790, Haute-Garonne, Archives civiles, série C, tome II, n°2276-2432, procès-verbaux des états de Languedoc, 1497-1789, avec tables, Toulouse, Imprimerie et librairie Edouard Privat, 1903, Baudoin.p. 57-58 (description du C 2280)
Hugues Daussy, Le parti huguenot. Chronique d’une désillusion (1557-1572), Genève, Droz, 2014, 882 p.
L’édit de Nantes et ses antécédents (1562-1598), dir. Bernard Barbiche, 2e éd., 2009 (Éditions en ligne de l’École des Chartes (ÉLEC), volume5), http://elec.enc.sorbonne.fr/editsdepacification. « Édit de Janvier » : http://elec.enc.sorbonne.fr/editsdepacification/edit_01
Arlette Jouanna, La France du XVIe siècle : 1483-1598, Paris, Presses universitaires de France, 1996.p. 332.