L’an mil cinq cens | soixante troys feurent
consulz de ladicteAbrégé : lad relligion, |
noble Pierre de Combes, seigneur de
Combes,
sire Pierre Moysset, merchant,
sire Francoys Rey,
Guyrauld Rat,
Jehan Mallefosse,
et Jehan Roqueplan, fustierFustier : charpentier,
menuisier (Dictionnaire de l’ancienne
langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle, Paris, Honoré Champion, 1881-1902 ;
édition électronique Garnier [consulté en octobre 2014], 42739). , .
Au moys d’apvril ensuyvant vindrent novelles | qu’en France le roy avoict
accordee la paix et | de ce y avoyt edict faict a Amboise le dixneufviesmeAbrégé : dixneufvie | de mars precedant comptant a l’IncarnationAbrégé : Incarnaon et | mode de France M Vc LXII, par
lequel commeAbrégé : come | fust porté entre aultresAbrégé : aues chouses qu’il falloict | randre aulx ecclesiasticques leurs
temples et | maysonsAbrégé : mayon, ceulx de ladicteAbrégé : lad relligion comencerent | de rompre et demolir ce que restoict,
de entrer | au dedans desdictzAbrégé : desd temples et esglises estantz | dans la ville presque aultant
que dehors, n’y | layssantz que les corps vuydes, fenestres |
ouvertes et aussi mirent en piecces toutes les | cloches dont y en y
avoyt audict Abrégé : audMontpellierAbrégé : Montpell | grand quantité et dez plus belles du pays | mesmes a Sainct Pierre et NostreAbrégé : Nre Dame, s’appropriant __
[Fol. 538 r°]
__ les mectaulx et matiere de
grandissime valleur et | n’en laysserent qu’une a NostreAbrégé : Nre Dame qu’estoict la grosse | appertenant a la ville. Au
comencement de may | feurent a MontpellierAbrégé : Montpell tenuz les estatz de la relligion | soubz monseigneurAbrégé : monsr le comte de Crussol et Tonerre, par eulx | pieca[a]Comprendre «
piéça », c’est-à-dire « il y a longtemps ». esleu protecteur du pays, laquelle assamblee | tenant le
seigneur de Caylus en Rouergue, gentilhommeAbrégé : gentilhome | de la chambre du roy et par sa magestéAbrégé : magté delegué, y | vint apportant le edict susdictAbrégé : susd de la paix du mois | de mars que feust publié a MontpellierAbrégé : Montpell solemnement | par les carrefours et court du
gouverneur le | Paix publiee[b] Ajout en
marge sans insertion dans le texte doutziesme jour dudictAbrégé : dud mois de may et consecquemmentAbrégé : consecquement | en appres ez aultresAbrégé : aues villes du pays, contenant | icelluy edict plusieurs chefs,
entre aultres Abrégé : auesqueAbrégé : q remis les | ecclesiasticques en leurs lieux et biens et ung | chascungAbrégé : chung aussi en ses estatz. Le roy permectoict ladicteAbrégé : lad | novelle relligion et public exercisse d’icelle en | toutz les
villes et lieux par eulx tenuz en ce royaulme | le septiesme Abrégé : septiedudictAbrégé : dud mois de mars dans les villes hors | dez temples catholicques
et lieux publicques et | encores ez faulx bourgz d’une ville non tenue
en | chesque seneschaucee bailliaige et juridictionAbrégé : juridion | ressortissant sans moien aulx courtz de parlementAbrégé : plement. | Appres laquelle publicationAbrégé : publicaon cessa toute hostillité | et feust ouvert le comerce dez ungz
aulx aultresAbrégé : aues | non que aultre Abrégé : aueexecutionAbrégé : execuon y eust dudictAbrégé : dud edict __
[Fol. 538 v°]
__ d’ung cousté ny d’aultreAbrégé : aue, fors la cessationAbrégé : cessaon des armes | jusques au moys de septambre ensuyvant que | monseigneur de Dampville, filz dudict Abrégé : dudseigneur de | Montmorency, connestable de France
par la | resignationAbrégé : resignaon de sondictAbrégé : sond pere faict gouverneur et | lieuctenantAbrégé : lieucten general pour le roy en Languedoc, vint | par le cartier de TholoseAbrégé : Thle acompaigné de grand | noblesse et gendarmerie
pour remectre toutes | chouses en l’estat de pacifficationAbrégé : pacifficaon suyvant | le edict, et appres avoir arresté quelque moys |
despuys TholoseAbrégé : Thle, en ca fist ledictAbrégé : led seigneur sa | novelle entree a MontpellierAbrégé : Montpell ung mardy | neufviesmeAbrégé : neufvie de novembre, fort haultement | acompaigné tant de gens de
guerre a cheval | et a pied que aultreAbrégé : aue suyte, et luy feust par ceulx | de ladicteAbrégé : lad relligion faicte solempne et royalle | entree par la
porte de la Sonerie. Toutz
les | courtz dez aydez du presidial, consulz et aultresAbrégé : aues | officiers en leurs habitz publicz ysseux[c] Comprendre «
iceux ». au devant | le salluer, l’artilherie hors la ville tirant, |
et luy feust a l’entree par les consulz presentéAbrégé : pnté | ung pavillonPavillon : sorte de
dais. de vellours cramoysi rouge | armoyé de
ses armoyries et de ses coulleurs | incarnat et blanc, soubz lequel il
ne vollust entrer, et estoient les rues tendues __
[Fol. 539 r°]
__ de tapisserie de ladicteAbrégé : lad porte jusques l’houstel ou la |
court dez aydez solloictSouloir : avoir coutume (Dictionnaire de la langue
française du seizième siècle, Paris, Honoré Champion, 1925 ; édition
électronique Garnier [consulté en octobre 2014], 50065). ,
tenir en appres en son | lotgis, et aultresAbrégé : aues lieux publicques dressés | tableaux avec des eppigrammes
grecz, latin et | francoys conformes au temps, et faict present |
d’une belle coppe d’argent faicte en bosse | dourés de grand valleur
avec six piecces d’or, | chascuneAbrégé : chune peysant cinquante escutz, expressement | fabricquees, ayant
empraintes de l’une face | les armoyries dudictAbrégé : dud seigneur escartellees de | Savoye et de Montmorency et ses
motz escriptz | a l’entour : Virtuti
Henricy Montmorantii piissimiAbrégé : piiss[d] Comprendre
« A la vertu du très pieux Henri (de) Montmorency » | [e]en face des sept
lignes suivantes figurent, en marge gauche, les huit lignes
ci-contre
[Fol. 539 v°]
__ restablie la relligion catholicque romayne | en ladicteAbrégé : lad ville et les mendiantz relligieux nonnainsAbrégé : nonainsNonnain :
religieuse
(Dictionnaire de la langue
française du seizième siècle, Paris, Honoré Champion, 1925 ; édition
électronique Garnier [consulté en octobre 2014],
36153). , | loutgés dedans diversement par les esglises | ca et la.
Pareilhement a ceulx de ladicteAbrégé : lad novelle | relligion feurent permis deux lieux de maysons |
privees pour fere leur exercisse, en appres | ledictAbrégé : led seigneur layssee garnison en la ville avec | ung gouverneur
continua son chemin devers Nismes |
et Sainct Esprit sans aulcune
chouse changer | des administrateurs de la pollice et consulz. Au |
moys de decembre repassa ledict Abrégé : ledseigneur de | Dampville par MontpellierAbrégé : Montpell s’en alla tenir les | estatz du pays en la
ville de Narbonne.
Année 1563 : commentaire historique
La paix d’Amboise, dont l’évocation commence la narration des événements de l’année 1563, fut conclue le 19 mars à l’issue de la première guerre de religion. Elle était très favorable aux huguenots, dont les gentilshommes tenant fiefs obtenait notamment le droit de
(art. I). La chronique retient surtout les dispositions de l’article III, par lequel le roi ordonnait que . Cette restitution à l’Église catholique des lieux de culte et de ses biens se passa fort mal en un certain nombre d’endroits, et notamment à Montpellier. Les biens ecclésiastiques furent parfois saccagés avant d’être rendus, cela avant même la proclamation officielle de l’édit qui, à Montpellier, n’intervint que le 12 mai. La chronique retient aussi, dans le même article III, la permission de tenir le culte dans les villes et lieux où il avait cours au 7 mars 1563. La cité de Montpellier était bien évidemment concernée.La chronique évoque encore, dans le continuum des événements de l’année, la tenue, à Montpellier, au début du mois de mai 1563, de ce qu’elle appelle
, sous la protection de . Il s’agit d’Antoine de Crussol (1528-1573), l’un des deux fils de Charles de Crussol, vicomte d’Uzès, lui-même l’un des grands officiers de la couronne (comme grand panetier) et l’un des sénéchaux de Languedoc, en l’occurrence de Beaucaire et de Nîmes. Passé à la réforme sous le règne de François II, nommé conseiller d’État et chevalier d’honneur de Catherine de Médicis, Antoine de Crussol – époux de Louis de Clermont, comtesse de Tonnerre – avait été chargé de faire appliquer l’édit de Janvier dans la province de Languedoc. Néanmoins, l’assemblée des réformés tenue à Nîmes en novembre 1562 l’avait aussi choisi comme protecteur de ses coreligionnaires. Des députés de Montpellier y étaient présents, de même qu’à celle de Bagnols, tenue au début du mois d’avril 1563.Ainsi, Antoine de Crussol arriva à Montpellier le 7 mai, deux jours avant Antoine de Lévis, Histoire générale de Languedoc – assez partisane – affirme qu’ils intimidèrent tant les prêtres catholiques que ceux-ci n’osèrent pas rentrer en possession de ces lieux.
, fait gentilhomme de la chambre du roi en cette année 1563, catholique, commis par le roi pour publier la paix d’Amboise dans l’est de la province tandis que Guillaume de Joyeuse, lieutenant général pour le roi en Languedoc depuis 1561, faisait de même dans l’ouest. Le 11 mai eut lieu une assemblée de noblesse et de députés des villes, réformés, venant demander à Caylus le désarmement des catholiques et le remplacement, par un prince du sang, de Guillaume de Joyeuse, cible de la défiance des réformés. D’ailleurs, dans le cadre de l’application de l’édit, Antoine de Crussol hésitait à remettre à Joyeuse les places tenues par ses coreligionnaires. Finalement, Crussol remit les places des réformés à Caylus. A Montpellier, une fois Caylus de retour le 12 août, ils rendirent les lieux de culte en transférant leur prêche à l’École Mage, mais l’C’est alors qu’entra en jeu un nouveau personnage, celui que le Petit Thalamus nomme
, c’est-à-dire le jeune Henri de Montmorency (1534-1614), fils du connétable Anne qui vient de lui céder – au mois de mai 1563 – le gouvernement de Languedoc. Il fit une entrée solennelle à Montpellier le 9 novembre, décrite par la chronique, qui ne juge pas utile de citer la présence de Joyeuse. Avant qu’il n’arrive, quatre notables de la ville lui avaient rendu visite à Narbonne, dont Cezelly, premier président de la Chambre des Comptes, et Jehan Philippi, général des aides. Damville venait de Toulouse et faisait le tour du Languedoc pour veiller à l’application de l’édit de pacification. À en croire la chronique, c’est ainsi Montmorency qui aurait assuré le rétablissement réel de la religion catholique dans la ville, les ecclésiastiques se logeant dans les églises en raison de la ruine des couvents alentours. La ville marqua surtout l’occasion par l’offrande d’une médaille saluant l’action pacificatrice du gouverneur.Montmorency repartit le 16 novembre pour Pont-Saint-Esprit, laissant à Montpellier une garnison sous le commandement du seigneur de Castelnau-de-Guers. Il repassa le 10 décembre, jour de l’ouverture des
à Narbonne, où il ne parvint que le 12. Il y rejoignit notamment les trois autres commissaires du roi (outre Joyeuse figuraient deux magistrats montpelliérains, à savoir les généraux des aides Chefdebien et Cheverry) et le président, l’évêque de Montpellier Guillaume Pellicier.Bibliographie :
Adolphe Baudoin et Félix Pasquier, Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790, Haute-Garonne, Archives civiles, série C, tome II, n°2276-2432, procès-verbaux des états de Languedoc, 1497-1789, avec tables, Toulouse, Imprimerie et librairie Edouard Privat, 1903, Baudoin.p. 62-64 (description du C 2281)
Hugues Daussy, Le parti huguenot. Chronique d’une désillusion (1557-1572), Genève, Droz, 2014, 882 p.
Claude Devic et Joseph Vaissète, Histoire générale de Languedoc, Toulouse, Privat ; Paris, Claude Tchou, 2003-2005.tome XI, p. 435-456.
Louise Guiraud, Études sur la réforme à Montpellier, tome II, Montpellier, Vve Louis Valat, 1918p. 95-108.
Arlette Jouanna, Histoire et dictionnaire des guerres de religion, Paris, Laffont, 1998p. 834-835, 1226.
Arlette Jouanna, La France du XVIe siècle : 1483-1598, Paris, Presses universitaires de France, 1996.p. 412.
Nicolas Le Roux, La faveur du roi. Mignons et courtisans au temps des derniers Valois (vers 1547 – vers 1589), Seyssel, Champ Vallon, 2000p. 217-218 et 742.
L’édit de Nantes et ses antécédents (1562-1598), dir. Bernard Barbiche, 2e éd., 2009 (Éditions en ligne de l’École des Chartes (ÉLEC), volume5), http://elec.enc.sorbonne.fr/editsdepacification. « Édit d’Amboise » : http://elec.enc.sorbonne.fr/editsdepacification/edit_02