L’an mil cinq cens soixante | quatre feurent
faictz consulz catholicques, |
monsieur Abrégé : monsrmessireAbrégé : mePierreAbrégé : Pie Convers, maistreAbrégé : me en la chambre dez comptz,
sire Francoys Colombier, borgeois,
messireAbrégé : me Claude Janin, banquier,
Estienne Guyson dict Roujon,
Estienne Viguier,
Anthoine Serre dict Montaignette.
A ceste annee fust comencé d’eslire en consulz | les officiers du roy,
voyre dez courtz souveraynes, contreAbrégé : ce
[Fol. 540 r°]
__ les edictz generaulxAbrégé : gnaulx sur ce faictz et ce pour la rareté | et faulte d’aultres Abrégé : aueshabitantzAbrégé : habitz catholicques gentz de equalitté | pour tenir le ranc de premierAbrégé : pmier, y procedant la ville | ainsi par mandementAbrégé : mandt du roy et de ses lieuctenantzAbrégé : lieucten pour la | raisonAbrégé : raon prochaine. Celle annee fust faicte l’ordonnanceAbrégé : ordonnan | du roy que doresenavant ny avoyt deux facons | de compter les
annees, c’est a la Nativité et a l’IncarnationAbrégé : Incarnaon | pour infinis doubtes qu’en sortoient, mays une | seulle a la
Nativite prinse dez premiersAbrégé : pmiers jours du | mois de janvier. En ceste annee fust partout |
mesmes a MontpellMontpellier vescu paysiblement avec deux
| relligions. Le roy Charles neufviesmeAbrégé : neufvie, parti | de Paris avec sa court, entreprint viziter son | royaulme
et s’achemynant par deca Peray[a]Il s’agit de
Paray, aujourd’hui Paray-le-Monial. et | le pays de LyonoysAbrégé : Lynoys, Daulphiné
et Provence, | passa en Languedoc et vint a MontpellierAbrégé : Montpell, y | faysant sa premiere entree ung dimanche
dix septiesmeAbrégé : septie | du mois de decembre, estant ledictAbrégé : led seigneur de | l’eage de tretze ans ou envyron, a compaigné
| de la royne sa mere et nombre grand de
cardinaulx, | princes et seigneurs, entre aultresAbrégé : aues du prince | de Navarre de la novelle
relligion, filz de la | royne de Navarre vefve, presque pareilh | d’eaige
au roy, de monseigneurAbrégé : monsr le connestable | de Montmorency et monseigneurAbrégé : monsr Dampville son | filz, gouverneur du pays
nagueres faict marechalAbrégé : maral
[Fol. 540 v°]
__ de France. Avant l’entree dudictAbrégé : dud seigneur en la | ville que feust par la porte Sainct Gilly luy | feust
dressé au jardrin du seigneur de Villeneufve, | gouverneur de
Montpellier, une grand lotge ou | reppousoir[b]Comprendre «
reposoir ». richement tapissé ou toutz les estatz | de la ville l’allarent
salluer et faire la reverenceAbrégé : reveren | et hobeyssanceAbrégé : hobeyssan, d’illecIllec : en ce
lieu-là
(Dictionnaire de la langue
française du seizième siècle, Paris, Honoré Champion, 1925 ; édition
électronique Garnier [consulté en octobre 2014], 28378). , ce achemynantz tretoutz[c] Comprendre «
tous ». scellon | leur ranc et ordre au devant du roy a cheval | les
plus dignes estantz les derniers et plus | proches de sa magesteAbrégé : magte, commeAbrégé : come les universités | de medecine, du droict, le siege presidial
| et du gouvernement, la chambre dez comptes et | court des aydez,
la derniere vesteue d’escarlate, | toutz en belle ordonnanceAbrégé : ordonnan. Appres vinrent la | mayson du roy, sa garde, ses trompetes et
| clairons, le grand escuyer l’espee ranchee | et sa parsonne soubz
ung pavilhonPavillon : sorte de
dais. de | vellours cramoisin rouge couvert de
riche | broderie d’argent pourté par les six consulz |
estantz a pied teste nue, suyvy en appres ledictAbrégé : led | seigneur par plusieurs cardinaulx, princes et | grandz seigneurs
despuis ladicte Abrégé : ladporte Sainct | Gille,
passant par la rue de la Guillerie,
la | lotge et consollat jusques au lotgis dudictAbrégé : dud seigneur | ordonné en la mayson dicte de Boutonet, __
[Fol. 541 r°]
__ assize a La Pierre, estoient les rues
richement tappissees | et couvertes de thoilles par dessus et sur
l’entree au lieu | dict la
poincte a l’arc Sainct
Nicholas a la lotge au | consollat et a La Pierre, dressés de charpenterie
devers | arcz triumphantz, portaulx et piramides enrichis de |
plusieurs pinctures, figures, represantationsAbrégé : represantaons en bosse | et tableaulx de diverse invention[d]?? acompaignés | de plusieurs vers eppigrammesAbrégé : eppigrams grecz, latins et | francoys, et feust pour presentAbrégé : pnt donné au roy ung | ymage de roy mays son
scepte tenant ung pied en | terre et aultreAbrégé : aue en mer, tout d’or massif de la | valleur de mil escutz, et a
la royne une montaigne | d’or complantee
d’olliviers et d’oraigiers[e]Comprendre «
orangers ». tres beau de | valleur de cinq centz escutz. LedictAbrégé : Led seigneur, | ayant demeuré audictAbrégé : audMontpellierAbrégé : Montpell jusques au dernier | jour dudictAbrégé : dud decembre, s’en partist prenant son chemin | devers TholoseAbrégé : Thle, Bordeaulx
et Bayonne, ou la royne
| d’Espaigne, sa seur, le vint trouver et visiter.
Année 1564 : commentaire historique
Comme production consulaire, la chronique ne pouvait ignorer l’innovation consistant à nommer un officier de cours souveraines au consulat. La nomination de Pierre Convers, maître en la Chambre des Comptes, à la charge de premier consul, était donc contre les usages. Dans la même situation, Guillaume de Boirargues, pourvu du même office, avait renoncé à sa nomination en 1547. Les circonstances politiques étaient cependant différentes puisqu’il s’agissait pour les catholiques, en 1564, de tenir un consulat convoité par les réformés et dont ils étaient exclus par l’intervention d’Henri de Montmorency.
La chronique mentionne ensuite le changement de calendrier réalisé par Charles IX. Elle rappelle la diversité des usages quant au choix du commencement de l’année, soit à la Nativité, soit à Pâques, c’est-à-dire « à l’Incarnation ». L’article 39 de l’édit de Paris (janvier 1564, 1563 ancien style) stipulait que, dorénavant, l’année débuterait le 1er janvier,
selon les termes du Petit Thalamus. Cependant, si l’édit fut enregistré par le parlement de Toulouse dès le mois d’août 1564, ce qui assura l’application de cette règle dans son ressort – Montpellier comprise –, il ne le fut par le parlement de Paris qu’en 1567.Mais le grand événement de l’année fut surtout le voyage de Charles IX avec sa mère. Au lendemain de la paix d’Amboise, donnée en 1563, il importait que le roi affermisse son autorité en se montrant à ses sujets. Il quitta Paris le 13 mars et, comme l’indique la chronique, il séjourna à Lyon, puis en Dauphiné (Romans, Valence, Montélimar) et en Provence (Aix, Toulon, Marseille). Le roi fut justement dans cette dernière province quand se tinrent les états de Languedoc à Beaucaire, du 21 au 30 octobre, lorsque l’assemblée demanda que tous les consuls de ville fussent catholiques et que l’élection des autres fût cassée. Prenant du retard au cours du voyage, Charles IX arriva à Montpellier après la peste, qui sévit dans la ville au mois de juillet.
Âgé de 14 ans, le roi fit une entrée royale le 17 décembre 1564. Sa suite était d’autant plus nombreuse qu’il s’agissait de la cour toute entière, dont la chronique ne retint que
, Catherine de Médicis, , notamment les cardinaux de Bourbon et de Guise, mais aussi Henri , que l’on dit (Jeanne d’Albret, veuve d’Antoine de Bourbon), lui aussi fort jeune puisque tout juste âgé de 11 ans, comme le fait remarquer la chronique. Enfin est signalée la présence du vieil Anne de Montmorency, connétable, et celle de son fils, le gouverneur, Henri de Montmorency Dampville, qui ne fut fait maréchal de France, comme son père, que plus tard. En revanche, elle omet le chancelier Michel de L’Hospital.Bien que Montpellier fût une étape importante du voyage royal, Charles IX y séjourna moins longtemps qu’à Avignon, Arles ou Toulouse. Il y tint cependant conseil à quatre reprises, les 18, 20, 28 et 29 décembre. Le roi passa donc Noël à Montpellier et fit faire une procession solennelle le 26 décembre, pour laquelle les réformés furent autorisés à ne pas tapisser leurs maisons. Il repartit le 31 décembre, reprenant sa route vers le Haut Languedoc, puis vers Bayonne, où se déroula, entre le 15 juin et le 2 juillet 1565, une entrevue avec sa sœur, la reine Élisabeth, épouse de Philippe II d’Espagne, et avec le duc d’Albe. Mais il s’agit là d’un événement de 1565 inscrit dans le récit de l’année 1564, ce qui prouve encore une fois combien cette chronique des années 1560 est une composition ultérieure aux événements. Le détail est d’autant plus piquant que le récit de cette année 1564 indique justement que le commencement de l’année venait d’être placé au premier janvier.
Bibliographie :
Jean Boutier, Alain Dewerpe et Daniel Nordman, Un tour de France royal. Le voyage de Charles IX (1564-1566), Paris, Aubier, 1984passim (notamment p. 199, 299).
Hugues Daussy, Le parti huguenot. Chronique d’une désillusion (1557-1572), Genève, Droz, 2014, 882 p.
Claude Devic et Joseph Vaissète, Histoire générale de Languedoc, Toulouse, Privat ; Paris, Claude Tchou, 2003-2005.tome XI, p. 456-465.
Arthur Giry, Manuel de diplomatique, Paris, Félix Alcan, 1925p. 112-113.
Arlette Jouanna, La France du XVIe siècle : 1483-1598, Paris, Presses universitaires de France, 1996.p. 421-422.