L’an mil cinq cens soixante | sept feurent
consulz catholicques, |
monseigneur Abrégé : monsrmessireAbrégé : me Anthoine du Robin, docteur ez droictz et
| juge ordinaire en la viguerie de MontpellierAbrégé : Montpell,
monseigneur Abrégé : monsrmessireAbrégé : me Michel de Bonnefoux, docteur ez
droictz,
messireAbrégé : me Jehan Perdrix, chirurgien,
Thomas Alard, merchant,
Benoict Tailhand,
Jehan Egallenc, laboureur.
Vivant ainsin le peuple en ce royaulme en ses deux | relligions asses
paysiblement, saulf quelque jallousie | de ceulx de la novelle relligion
pour n’avoir encores | esté receuz en consulz dez villes et charges
politicques, | quoy que souvant y eussent tache ou aultrementAbrégé : auent, | que ainsi pleust a Dieu affliger derechef ce | pouvre
royaulme ce tenarent en armes ceulx | de ladicteAbrégé : lad relligion partout presque toutz a ung poinct | et jour nomméAbrégé : nomé veilhe Sainct Michel vingt huictiesmeAbrégé : huictie | de septembre audictAbrégé : aud an, scavoir est monseigneurAbrégé : monsr le | prince de Condé, l’admiral, et aultresAbrégé : aues leurs partizans | en la court du roy estant a Meaulx si que | a grand difficulté ledictAbrégé : led seigneur feust saulvé | dans Paris. En Languedoc, a MontpellierAbrégé : Montpell, Nismes, | Uzes, Sainct Esprit, Castres, Lavaulx et
__
[Fol. 542 v°]
__aultresAbrégé : aues bons lieux de mesmes inpatronisansImpatronisant :
rendant maître, mettant en possession (d'après Dictionnaire de la langue
française du seizième siècle, Paris, Honoré Champion, 1925 ; édition
électronique Garnier [consulté en octobre 2014], 28557). , des | Seconde | guerre civille | en France [a]En face des
trois lignes suivantes figurent en marge gauche les trois lignes
indiquant la guerre civile villes chassantz le clergé que feust a MontpellierAbrégé : Montpell | le dernier jour dudictAbrégé : dud septembre et c’estantz les | soldatz de la garnison de la
ville, consulz et | aultresAbrégé : aues notables personnaiges plusieurs catholicques | a grand haste
retirés et saulvés dans le fort
| Sainct Pierre et retranchés dans la rue et | bourg des Carmes le mieulx
qu’auroient peu, | et mis dans ledictAbrégé : led fort grand chevanceChevance : ce qu'on
possède, ce dont l'on dispose (Dictionnaire de la langue
française du seizième siècle, Paris, Honoré Champion, 1925 ; édition
électronique Garnier [consulté en octobre 2014],
9990). , et coffres | remplis de grand richesse, les aultresAbrégé : aues catholicques | demeurés en leurs maysons a la mercy du |
temps. Au comencement d’octobre, le seigneur |
d’Accier, frere de monseigneurAbrégé : monsr le comte de Cristol na- | guieres faict
duc d’Uzes, vint a MontpellierAbrégé : Montpell avec | grandz forces a cheval et a pied et
pareilhe aucthorité de commandement sur ceulx de ladicteAbrégé : lad relligion | par tout le pais queAbrégé : q ez premiers troubles, et | assiega tres estroictement ledictAbrégé : led fort tant aupardedans | la ville que dehors, l’enfermant de
grandz | trenchees de toutz coustés, les bien munyes d’ hommesAbrégé : homes, | cy qu’estoict impossible aulx assiegés evader | que par
combat, parquoy ilz n’estoient | pareilhes en nombre aulx
huguenotz, quoyqueAbrégé : quoyq | lesdictz Abrégé : lesdcatholicques assiegés feussent | de braves hommesAbrégé : homes faisantz plusieurs __
[Fol. 543 r°]
__ hardies sallies[b]Comprendre «
saillies »., ordinairement lhors monseigneurAbrégé : monsr de | Joyeuse estant a Pezenas dressa promptement dez | forces et pour
avitailler ledictAbrégé : led fort ou possible | recouvrer la ville par l’entree d’ icelluyAbrégé : icell ou de la | porte dez Carmes que les
catholicques tenoyent. | Combien cause qu’est dicte
feussent assiegés par | le camp dez huguenotz et
serrés de bien près sur le bord | dez foussés, envoya ledict seigneur sadicteAbrégé : sad armee | d’envyron quatre ou cinq cens hommesAbrégé : homes a cheval et | vingt enseignes de gens de pied et certainsAbrégé : ctains piecces | de campaigne soubz la charge du seigneurAbrégé : seigne de | Villeneufve, lieuctenantAbrégé : lieucten de sa compaignie de gendarmes, | que ce presentarentAbrégé : pntarent devant la ville et ce vindrent | camper près Boutonet ung sabmedy neufviesmeAbrégé : neufvie | jour de novembre. A l’opposité, monseigneurAbrégé : monsr d’Accier | avoit son camp pousé despuys les thuilleries | de la porte dez Carmes jusques a l’entree Sainct | Eulalie d’envyron
vingt a vingt cinq enseignes | de gens de pied, sans ceulx qu’estoient
en tranchees | alentour de Sainct Pierre pardevant la ville | despuys Sainct Rufs que les
huguenotz avoient | gaigné jusques a la tour estant
d’entre la | tour dez Carmes et porte de la Blanquerie, et | luy
avec sa cavallerie en nombre de troys ou | quatre centz chevaulx ou
avoict grand noblesse | de Daulphiné et Provence
c’estoict mis aulx __
[Fol. 543 v°]
__aesles[c] Comprendre «
ailes ». de son camp près Sainct
Cosme estant le | ruysseau du Merdansson entre les deux armees. |
Lesquelles ayantz demeuré en ceste ordonnanceAbrégé : ordonnan | despuis midy dudictAbrégé : dud jour jusques envyron le | soir et attaquee cependant quelque
escarmoche | ou de toutz costés y eust dez mortz, les
catholicques, | approchant la nuict sans aultreAbrégé : aue entreprinse | fere, ce retirerent tout bellement par la |
d’ou estoient venuz et monseigneurAbrégé : monsr d’Accier dans | la ville sans le suyvre, ce
jour là la ville | de Montpellier feust en grand effroy et dolleur | tant dez
catholicques que huguenotz pour
| la craincte que si les catholicques heussent |
heu du meilheur et fussent entrés par force, | estoict faict dez biens
dez ungz et dez aultresAbrégé : aues | sans la vie de plusieursAbrégé : plusrs. Appres ceste | retraicte dez catholicques,
les assiegés ce voyantz | frustrés de tout secours et leur deffaillir
| munitions de guerre et qu’encores les forces | des
huguenotz estoient augmentees par la | venue du
seigneur de Cypieres , grand seigneur | de
Provence, et augmentoient toutz les jours | vindrent a parlementerAbrégé : parlemente et finablement le | unziesme jour dudictAbrégé : dud mois de novembre appres | avoir soubstenu le siege envyron six
sepmaynes | despuys la Sainct Michel fort viollement, __
[Fol. 544 r°]
__ayantz faict mourir dez
ennemys plus de deux | centz et d’hommesAbrégé : homes vailhantz et de consequence, cependant | souffrantz beaucoup
qu’en fin estoient constrainctz tant | souldatz queAbrégé : q aultres habitantz estantz audictAbrégé : aud fort et rue | dez
Carmes jusques au nombre de quatre ou cinq | cens
personnes miserablement vivre et manger | la farine sans huille et sel
et des asnes et chevaulx, | composerent leur redditionAbrégé : reddon avec ses conditions : c’est | que les cappitainesAbrégé : cappnes et soldatz estrangiers sortiroient, | lesdictz Abrégé : lesdcappitainesAbrégé : cappnes avec leurs armes, les soldatz avec | espee et dague, les
habitantz de la ville portantz | armes ou non demeureroient a la
voulanté et | discreption dudict Abrégé : dudseigneur d’Accier, commeAbrégé : com aussi | l’artilherie de la ville que y estoict armés, aultres
| munitions, coffres et toutz aultresAbrégé : aues meubles, et ainsi | feust faict, et oultre la poppulace de la
rue dez | Carmes feurent
trouvés dans ledictAbrégé : led fort messieurs | les consulz de la ville, le premierAbrégé : pmier, second et cinquiesmeAbrégé : cinquie | dessus nommés, plusieurs chanoynes, prebstresAbrégé : pbres et | aultresAbrégé : aues bons habitantz, desquelz sur la chaudeChaude : dans l’expression
à la chaude
: d'une manière prompte, chaude et violente,
dans les premiers mouvements de la colère
(Dictionnaire universel,
La Haye ; Rotterdam, 1690 ; édition électronique Garnier [consulté en octobre
2014], 3755). , en | feurent aulcungz
tués mesmes dez prebstresAbrégé : pbres. Les aultresAbrégé : aues | feurent dettenuz et mis a rancon, les armes, coffres | et meubles
plus precieux retirés par ceulx qui en | avoient la charge, l’on ne
peult en garder[d]Comprendre « en
éviter ». le pillaige | du surplus et non seullement de ce qu’estoit dans
| le fort mays en toute la rue dez
Carmes que feust saquagee et pillee et mis le feu __
[Fol. 544 v°]
__ en plusieurs maysons commeAbrégé : come en ville prinse | d’assault, quant a ladicte Abrégé : ladesglise et fort de Sainct |
Pierre, ediffice tant beau fort espacieux et | bien
garny de vittres et treilhes de fer, beaulx | couvertz et canalz de
plomb qu’on avoyt veu au | paravant et que l’an soixante deux a la
premiere | prinse avoict este esparnhé[e] Comprendre «
épargné ». , incontinant | appres la redditionAbrégé : reddion dans troys jours | feust tout desmeublé, saccagé, demolly et
| ruyné et une dez grosses tours chochiers | mise par terre avec un cartz[f] Comprendre «
quart ». de l’esglise | et du lotgis, n’y demeurantz que les murailles
| et le tout ravy et emporté sans y estre laissé | ung poulce de fer
ou de boix, et ainsi ce tant | bel ouvraige de pape, lieu de oraison et
ou par | le passé tant de gens de lecttresAbrégé : leres c’estoient formés | a la vertu et service de Dieu souffrit
ceste desollationAbrégé : desollaon | deux centz troys ans ung mois et demy appres | sa premiere Abrégé : pmierefondationAbrégé : fondaonut suppra folioAbrégé : fo 111, et 117. | En mesme temps y eust en France ung dur | rencontre et batailhe
entre les catholicques, chef | monseigneurAbrégé : monsr de Montmorency, connestable de France, | et les
hugunotz conduictz par le prince de Condé | et admiral de Chastillon, que feust le dixiesmeAbrégé : dixie | de novembre veilhe Sainct Martin entre Paris | et Sainct Denys ou ledict
seigneur conestable feust | blessé et de ce
coup quelques jours appres decceda __
[Fol. 545 r°]
__ dans Paris, le roy y estant et ledict
prince a | Sainct Denys en France.
Année 1567 : commentaire historique
Prenant manifestement le parti des catholiques, la chronique tient pour jalousie le fait que les huguenots réclamaient une place au consulat de Montpellier, réservé aux catholiques depuis le passage de Montmorency en 1564. Elle fait le lien avec la survenue de la seconde guerre de religion, déclenchée le 28 septembre 1567 par la « surprise de Meaux ». Louis de Bourbon, « monseigneur le prince de Condé », tentant de soustraire le roi à l’influence du cardinal de Lorraine, poussa la cour à s’y réfugier. Puis, n’osant pas s’attaquer à la garde suisse qui protégeait la cour, le prince dut la laisser rentrer à Paris, où, selon les termes de la chronique, le roi « feust saulvé ». Gaspard de Coligny, « l’admiral », fut tout autant que le prince tenu responsable de l’entreprise par les catholiques.
Ce fut le signal d’une prise d’armes générale au cours de laquelle les huguenots de Montpellier prirent la ville, dès le 30 septembre, contraignant les consuls et notables catholiques à se retrancher dans la cathédrale, transformée depuis longtemps en poste fortifié. Tandis que quelques-uns s’enfuyaient nuitamment, les forces réformées approchaient : Jacques de Crussol, seigneur d’Acier, arriva le 7 octobre. Commandant des troupes huguenotes en Bas Languedoc, il était le frère d’Antoine de Crussol fait duc d’Uzès en 1565, lequel avait ouvert les états réformés tenus à Montpellier en 1563 (voir année 1563). Aussitôt entré dans la ville, Jacques de Crussol assiégea le « fort » Saint-Pierre. Guillaume de Joyeuse, lieutenant général du roi dans la province, s’avança alors à la tête de troupes catholiques –2500 hommes et 300 à 400 chevaux, dit l’Histoire générale de Languedoc – pour secourir les assiégés. L’engagement eut lieu le 8 novembre, aux portes de Montpellier, alors qu’une tentative de sortie du fort Saint Pierre était repoussée. Mais Joyeuse ne put desserrer l’étau et dut reconnaître sa défaite en levant le camp.
Le 16 novembre arrivèrent des renforts réformés. Le
, frère du comte de Tende, lui-même gouverneur de Provence, se présentait avec quelque 5000 hommes. Les occupants de Saint Pierre se rendirent ; l’église fut mise à sac et pillée. Jehan de Passet, conseiller du présidial, nommé consul en 1568, et le seigneur d’Acier furent de ceux que le parlement de Toulouse condamna à mort par la suite, pour crime de lèse-majesté, par un arrêt de mars 1569, en raison des actes commis lors de ces événements.La chronique achève le récit de l’année en évoquant la bataille de Saint-Denis, qui eut lieu le 10 novembre, près de Paris, et où mourut le vieil Anne de Montmorency. En revanche, elle fait silence sur la tenue des états de Languedoc réunis à Béziers, faute de pouvoir le faire à Montpellier. Au cours de cette session, il fut résolu d’en enlever les archives de la province pour les mettre hors de portée des réformés.
Bibliographie :
Hugues Daussy, Le parti huguenot. Chronique d’une désillusion (1557-1572), Genève, Droz, 2014, 882 p.
Claude Devic et Joseph Vaissète, Histoire générale de Languedoc, Toulouse, Privat ; Paris, Claude Tchou, 2003-2005.tome XI, p. 483-496.
Arlette Jouanna, Histoire et dictionnaire des guerres de religion, Paris, Laffont, 1998p. 834-835.
Arlette Jouanna, La France du XVIe siècle : 1483-1598, Paris, Presses universitaires de France, 1996.p. 440.