L’an mil cinq cens septante | feurent consulz, |
monsseigneur Abrégé : monsmessireAbrégé : me Jacques de Montfauton, seigneur de | Vissec,
quatriesme president en la court dez aydez,
messire Abrégé : mePierreAbrégé : Pie de Jaullo, licenciéAbrégé : licen ez loix,
sire Estienne Vernet, merchant,
Jehan Chanard,
GuillaumeAbrégé : Guille du Tour,
[Fol. 549 r°]
__
Jacques Compaignon, laboureur.
Au comancement de ceste annee, messieurs lesdictzAbrégé : lesd princes, | conduictz eulx et leur armee par ledict Abrégé : ledadmiral de | Chastillon, appres la journee de
Montcontour, delaissee | la
Guyenne s’en vindrent vers le pays
de Guercy | et Montaulban, firent mille gastz[a] Comprendre «
dégâts ». ruynes et bruslementz | jusques aulx portes de TholoseAbrégé : Thle, et y ayantz ainsi tenuz | lez champs quelques mois, au
commancement du mois | de mars, avec leur armee encores d’envyron doutze
| ou quinze mil hommesAbrégé : homes de guerre comprins ce que restoict | dez reystres[b] Comprendre «
reîtres ». oultre plusieurs fuytifz[c] Comprendre «
fugitifs ». du pays et cinq | ou six piecces d’artillerie, commancerent
entrer dans le | Languedoc suyvant le grand chemin,
sacquageans et | bruslantz esglises, monasteres, abbayes et plusieursAbrégé : plusrs | villaiges et maysons aulx champs, mesmes, quant | les treuvoient
desertes et sans munitions de vivres, | sans s’arrester aulx bonnes
villes et lieux munis de | forces, tirantz de rancon de plusieurs pour
ne foullerFouler :
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(Dictionnaire universel,
La Haye ; Rotterdam, 1690 ; édition électronique Garnier [consulté en octobre
2014], 8991). , | le dehors par grand effroy et ravage du pouvre pays. | Aulcungz
lieux toutesfoys firent battre et prindrent | d’assault comme Montreal et Coinques[d] pour « Conques
». près CarcassonneAbrégé : Carcane, | Servian, Cazoulz de Narbonnes près Beziers et Pignan | près Montpellier. Et passa le plus fort de ladicteAbrégé : lad armee | mesmes lez grandz tenantz le grand chemin devant | MontpellierAbrégé : Montpell et la veue de la ville prez Sainct Martin de __
[Fol. 549 v°]
__ Prunet droict au pont Trincat et Lattes pour | ce randre a Malguel durant trois jours sur | la fin dudictAbrégé : dud mois de mars et premier d’apvril, | s’arrestantz par fois de
grandz trouppes | sur le hault dudict Abrégé : dudSainctAbrégé : St Martin pour adviser la | ville non sans estre
sallués de coups de | piecces de campaigne de ladicteAbrégé : lad ville, et assaillis | au dehors par diverses escarmoches par
| forces de ladicteAbrégé : lad ville estantz a cheval et a pied, | dont plusieurs desdictzAbrégé : desd ennemys treuvés escartés | y demeurarent les aultresAbrégé : aues pour ne pouvoir | estre ensambles passarent par Homelas, | Laval de Montferrand,
Teyran et Le Crès, | auquel lieu du Crès loutga[e] Comprendre «
logea ». une nuict le | seigneurAbrégé : sr de la Loue avec sa compaignie de | cavallerie,
par aulcungz sortis de MontpellierAbrégé : Motpell | feust desfaict et destroussé luy et les siens. | Lhors du passaige desdictzAbrégé : desd princes, pour la | faulx bourgz | de Montpellier | ruynés pour la | seconde foys [f] Ajout en
marge gauche sans insertion dans le texte craincte d’ung siege, feurent a Montpellier promptement | ruynés pour
la seconde foys les faulx | bourgz et jardinaiges, mesmes les plus près
| dez foussés, au grand interestz dez pocesseurs | qui avec grand
fraiz les avoient rediffiés | puys lez premiers troubles[g] C’est-à-dire «
à la suite des premiers troubles ».. LesdictzAbrégé : Lesd princes __
[Fol. 550 r°]
__ en passant firent assieger
Lunel, lequel lieu | appres
avoir battu quelques jours quicter, cependant | monseigneurAbrégé : monsr le marechalAbrégé : maral Dampville avec aultreAbrégé : aue armee talonant | famyne[h]Ajout en
marge gauche, sans insertion dans le texte despuis ThleTholose celle desdictzAbrégé : desd princes arriva a MontpellierAbrégé : Montpell | le troysiesme dudictAbrégé : dud mois d’apvril, pendant le siege | de Lunel qu’il fist dextrement[i] Comprendre «
habilement ». avitailler et munitionner. | A ceste callamité de guerre estoict
joincte une | cy grand faulte de vivres qu’il ne ce treuvoit du pain
| qu’en aulcunes bonnes maysons et pour les chevaulx | rien
tellement que, sans les grandz forces qu’estoient | dans la ville et dez
vivres que ledictAbrégé : led seigneur | marechalAbrégé : maral faysoyt admener pour son armee, il y | eust de sedition
popullaire dans la ville. Envyron | la my apvril lesdictzAbrégé : lesd seigneurs princes partirent | de Nismes, allant droict en Viverois et Fourestz[j]Il s’agit du
Forez, et | ledictAbrégé : ledseigneur de Dampville aussi de Montpellier avec | ses forces les
suyvantz pas a pas. Durant son | gouvernement, lez moyssons suyvantz, plusieursAbrégé : plusrs | feurent constrainctz anticiper y eust de grandz difficultés | et
dangiers a la recolte, courantz les ungz sur les | aultresAbrégé : aues, le plus fort ravageantz le tout cependant | que la paix ce
traictoict en France, dont au moys
| d’aoust ensuyvant en feust envoyé le pacquet | par ledict Abrégé : ledseigneur Dampville a Montpellier avec | le edict faict a Sainct Germain en Laye audictAbrégé : aud mois d’aoust __
[Fol. 550 v°]
__ mil cinq cens septante, que le vingtsixiesmeAbrégé : vingtsixie | duictAbrégé : du mois feust publiee a MontpellierAbrégé : Montpell, contenant | TroysiesmeAbrégé : Troye paix[k] Ajout en
marge gauche sans insertion dans le texteplusieursAbrégé : plusrs poinctz, entre aultresAbrégé : aues qu’ung chascung Abrégé : chungseroictAbrégé : soict | remis en son bien, que l’exercice d’icelle novelle | relligion
seroyt par toutz les villes et lieux | par eulx tenuz le premierAbrégé : pmier jour dudictAbrégé : dud aoust et | dans lesdictzAbrégé : lesd lieux et oultre ez faulx bourgz | de deux villes nommees audictAbrégé : aud edict de chesque | gouvernement de ce royaulme, et encores
pourroict | estre chez toutz les seigneurs haultz | justiciers
ayantz phief
d’aubertFief d'haubert : ou
fief de haubert
, c'est un fief de chevalier, c'est-à-dire
dont le possesseur étoit obligé à 21 ans de se faire armer chevalier, et de servir
avec le haubert, haubergeon ou cotte de maille, qui étoit une espece d'armure dont
il n'y avoit que les chevaliers qui pussent se servir...
(L'Encyclopédie, tome VI, p. 708).. Le dixseptiesmeAbrégé : dixseptie | de septembre remis ledict Abrégé : ledseigneur de Dampville | a MontpellierAbrégé : Montpell et en sa compaignie, cedictAbrégé : ced jour y | entrarent toutz ceulx de la relligion de toutz |
estatz et sexes que pour les troubles c’estoient | exemptz en grand
nombre et comenca l’on a ce | repatrier, non que y eust exercice de ladicteAbrégé : lad | relligion a MontpellMontpellier, mays alloient au | presche
ceulx de ladicteAbrégé : lad ville et faysoient l’exercice | de ladicteAbrégé : lad relligion a SainctAbrégé : St Jehan de Vedas apartenantAbrégé : aptenant | a ung hault justicier ensuyvant le edict. | Ainsi apaysé le
royaulme, feust faict le | mariatge du roy et de
madame Elizabeth | d’Austriche, fille de
Maximilian, empereur, et icelluyAbrégé : icell | mariatge solempnisé a Mezieres sur la
Meuse au mois | de decembre audictAbrégé : aud an.
Année 1570 : commentaire historique
L’année 1570 commence dans la guerre et finit dans la trêve. Son point de départ est d’abord indiqué par le Thalamus au tout début de la chronique pour cette année. Il s’agit de la défaite protestante de Moncontour le 3 octobre 1569 (voir cette année). A l’autre extrémité du texte, et par un effet de symétrie volontaire, la paix est momentanément retrouvé avec l’édit de Saint-Germain-en-Laye, qui amnistie les crimes et les délits liés au conflit religieux comme « chose non advenue » (art.1), accorde aux principaux belligérants le pardon royal et prévoit les conditions de rétrocession des biens et des honneurs confisqués ou aliénés. L’édit autorise ensuite le culte protestant dans les villes où il se pratiquait le premier août de cette année 1570 (art. 8), dans les faubourgs de deux villes par gouvernement, soit 24 villes (art. 9), et dans les fiefs de haubert et sous la protection des seigneurs hauts justiciers (art. 5). Paris n’est pas du nombre. Quatre places de sûreté sont également confiées pour deux années aux protestants : La Rochelle, Montauban, Cognac et La Charité (art. 39). Les protestants peuvent également exercer des offices et des charges royales (art. 22). Enfin, et en complément du traité, le mariage entre Henri de Navarre et Marguerite de Valois, sœur de Charles IX, doit unir les deux maisons royales et sceller la paix. Il se tiendra à Paris en août 1572. Une autre alliance entre le roi et Élisabeth, fille de l’empereur Maximilien, est censée ancrer le royaume dans la paix catholique.
Entre ces deux termes chronologiques mis bout à bout par un chroniqueur omniscient s’intercale le récit de la chevauchée, ou le repli, des rescapés des troupes protestantes menées par Châtillon (bientôt amiral de Coligny), quittant le champ de bataille de Moncontour où elle a été sévèrement défaite, pour rallier les terres protestantes du sud et s’unir aux troupes d’Henri de Navarre. La retraite va de refuge huguenot, comme Montauban, en abri réformé (Malguel), razziant et pillant sur le chemin les terres catholiques. Ainsi, le Toulousain, une partie du Carcassonnais et le Narbonnais sont pillés pour ravitailler cette armée en route qui ne peut bénéficier du système de l’étape (organisation qui vise à assurer le transit des troupes royales à travers le Languedoc). Forte de 4000 chevaux et 3000 fantassins, elle se nourrit sur les terres de l’ennemi. Arrivée dans la région de Montpellier, elle détruit les faubourgs à titre préventif pour éviter qu’ils servent au siège de la ville. Cette deuxième dévastation des faubourgs demeure encore visible lors de la visite de Thomas Platter dans les années 1590, qui rappelle que
.Ces troupes vivent toujours sur le pays, razziant, pillant, détroussant les villages proches de Montpellier ; le Crès fait les frais de la distraction de sentinelles et se voit pillé, prendre ; Lunel échappe à deux reprises aux réformés qui lorgnent ses réserves en blé. Les troupes de Châtillon paradent et provoquent également les compagnies restées dans les murs de Montpellier pour les amener à sortir, car elles n’ont ni le temps, ni les moyens de conduire un siège. Il s’agit aussi de montrer qu’elles demeurent sur pied et prêtes à en découdre, malgré les défaites de Jarnac et de Moncontour.
La mise en coupe réglée du Languedoc génère le retour précipité du gouverneur de la province, Montmorency-Dampville, qui tente de rattraper puis d’arrêter cette armée protestante en train de se reconstituer. Il fortifie à la hâte Lunel pour les arrêter, calme les risques de révolte en ravitaillant en blé les populations razziées. Mais l’armée protestante lui échappe. Passant par Nîmes, place forte protestante, puis par le Vivarais et le Forez, elle prend ensuite le chemin de La Charité-sur-Loire en juillet, d’où elle peut menacer Paris. Cette grande retraite finit ainsi en grande offensive, et c’est autant la lassitude des belligérants que cette menace qui pèse sur Paris qui conduit Charles IX à entamer les pourparlers de paix. Mais le chroniqueur du Thalamus préfère occulter cet aspect.
Bibliographie :
Dominique Biloghi, Logistique et Ancien Régime. De l’étape royale à l’étape languedocienne, Montpellier, Université Paul Valéry, 1999, 565 p.
Claude Devic et Joseph Vaissète, Histoire générale de Languedoc, édition 1730-1745Livre XXXIX, tome V, p. 300-303
Emmanuel Le Roy Ladurie, Le voyage de Thomas Platter, 1595-1599, Paris, Fayard, 2000p. 109.
L’édit de Nantes et ses antécédents (1562-1598), dir. Bernard Barbiche, 2e éd., 2009 (Éditions en ligne de l’École des Chartes (ÉLEC), volume5), http://elec.enc.sorbonne.fr/editsdepacification. « Édit de Saint-Germain en Laye » : http://elec.enc.sorbonne.fr/editsdepacification/edit_05