Mémoire soit a perpetuité que le huictiesme de mars | m vc iiiixx, le cappitaineAbrégé : cappne La Bernardiere Jean Duranc[a]rajouté dans l’interligne supérieure et les siens, | a la poincte du jour après que les sentinelles eurent quicté | la muraille, se saysirent par une faulce et desloyale | trahison des murailles et de toute la ville de MontpellierAbrégé : Motpellier | et en chassarent une bonne partie des bons habitans | d’icelle soubz pretexte (faulcement par eux inventé) | de quelque ligue acordée en la ville de Nismes par aulcungs | de la religion, et a raisonAbrégé : raon du grand effray qu’ils donnarent | aux pouvres habitans qui y estoyent pour lhors en ladicte | ville (a cause du danger de peste qui pour lhors estoit | dans ladicte qui sembloit quasi amorti) et pour le grand | meslucge[b]Lecture incertaine. « Meslucge », au sens de désordre ? qu’ilz firent fere durant leur regne qui ne | dura guieres, ladicte maladie si eschaufa si fort en | après qu’il moreust beaucoup de peuple dans peu de | jours, mais Dieu par sa bonté donna le cœur a aulcungs | des bons habitans qui estoyent restez dans ladicte | ville, lesquelz cognoissans très bien que le desir dudictAbrégé : dud | La Bernadière Duranc[c]rajouté dans l’interligne supérieureet les siens n’estoit aultre que d’en sortir | tous les vrays habitans pour d’icelle ville en fere une | spellongue de larrons et volleurs, le xvie dudict moys | se saysirent d’une partie des corps de garde de ladicte | ville avec resolutionAbrégé : resoluon de les en sortir, a quoy nostreAbrégé : nre Dieu | qui ne delaisse jamais ses enfans leur assista si bien | que ledictAbrégé : led | La Bernardiere Duranc[d]rajouté dans l’interligne supérieure et les siens furent constrainctz | de quicter la ville a leur grand regret et se retirer a | la grange du pin[e]Mot effacé. Louise Guiraud, en 1908, lisait « La Grange du Pin ».avec leurs troupes[f]insertion, et devant que sortir de ladicte ville | ung de ceulx Duranc[g]rajouté dans l’interligne supérieure qui estoit avecq ledictAbrégé : led La Bernadiere alla enclore | l’artillerie qu’estoit dans le temple de SaincteAbrégé : Ste Foy ne se pouvant | venger de rien plus.
[h]à gauche, en forme de signatureFesquet
Par deliberationAbrégé : deliberaon | du conseil des xxiiii | du cinquiesmeAbrégé : cinquie de janvier | m vc iiiixx xiiii a esté | conclud et arresté que ayans | esgard au temps que | ledictAbrégé : ledDuranc[i]écrit en surcharge d’un mot effacé feust surprins | comme il a dict par | ledictAbrégé : led La Bernardiere pourAbrégé : pr | raisonAbrégé : raon de l’excès contenuAbrégé : [9]tenu | au presentAbrégé : pnt memoire queAbrégé : q | non obstant ce, ledictAbrégé : led | Duranc[j]écrit en surcharge d’un mot effacé sera tenu pourAbrégé : pr | vray citoyen et bon habitant | de la ville et comme tel | admis aux charges et functions publiques | et jouira de mesmes | privileiges et prerogatives | que les autresAbrégé : aues habitans | ont acoustumé | d’uzer, sans que | quelcung a l’advenir | [k]Mots illisibles. Comprendre : sans que personne à l’avenir ne lui puisse ôter ni reprocher.[l]insertion en fin de paragraphe Par deliberationAbrégé : deliberaon | du conseil des | vingt quatre du | douziesme de | fevrier m vc iiiixx x | le nom Duranc[m]écrit en surcharge d’un mot effacé | qui avoyt esté rayé | par quelcung sur | ce presentAbrégé : pnt memoire et | en troys ou quatre | partz y a esté | remis et par | un mandement de | messieurs les consulz | par moy notereAbrégé : not et | greffier de la maison | consulere soubzigné[n]Mot incertain mais probable.
(signé :) Fesquet
Année 1580 : commentaire historique
Les chroniques des guerres de religion dans la France du XVIe siècle sont rythmées par les prises de villes au moyen de la ruse, de l’audace et de coups nocturnes, au cours desquels s’illustrent des hommes nouveaux trouvant dans la guerre des possibilités d’ascension sociale et d’enrichissement. Le modèle de Mathieu Merle illustre par exemple les années 1575-1580. Cadet de petite noblesse d’extraction récente, l’homme multiplie les prises de ville entre le Gévaudan et le Velay, dont Mende enlevée le jour de Noël 1579 par la ruse. Montpellier n’échappe ni à la règle, ni à la loi du genre. L’homme au centre de l’affaire de
de 1580 est Grégoire Bernard, dit , capturé à Beaucaire, ou, selon d’autres sources, s’étant laissé capturé par les hommes du maréchal de Montmorency-Damville. Conduit à Montpellier, il y est libéré et pensionné pour 800 écus pour défendre la place de sûreté protestante. La peste a fait fuir les hommes d’armes. Un consul de l’année 1579 en est mort, et un autre de 1580 connaîtra le même sort. Dès lors, le consulat réformé n’est pas très regardant sur la qualité des gardes de la ville. Par ailleurs, la peur d’une offensive catholique décide un renforcement de la garnison. Cette résolution précipite le passage à l’acte du capitaine de La Bernadière. Le 8 mars, à l’aube, le capitaine et Jean Duranc, citoyen de Montpellier, commandent une prise d’armes pour leur propre compte. Ils tentent ensuite de chasser les huguenots qui pourraient s’opposer à eux. De facto, ce coup d’éclat n’est ni protestant, ni catholique et le Petit Thalamus qualifie avant tout de ceux qui ont pris la ville. Il s’agit bien pour ces aventuriers entreprenants de se tailler un domaine en quelques coups d’épées au milieu d’une guerre civile. Les réformés s’organisent rapidement pour reprendre la ville, ce à quoi ils parviennent sans apparemment trop de difficultés tant l’initiative de La Bernadière et de Duranc reposait sur la surprise et l’audace. Défaits, ces derniers s’enfuient, non sans avoir mis sous clef l’artillerie de la ville.L’affaire ne s’arrête pas là ! Elle se poursuit autrement dans les notes marginales. En 1590, sans doute à un moment de reprise du manuscrit du Petit Thalamus, le nom de Jean Duranc apparaît biffé et comme effacé de la relation de la prise de Montpellier, remplacé par
ou bien . Il apparaît ainsi qu’un greffier ait voulu laver Duranc de ses faits d’armes contre la ville. Effacer un nom des registres urbains est une pratique attestée, soit pour amnistier un personnage de ses agissements, soit pour le faire disparaître de la mémoire collective. Rappelons ainsi que le consulat toulousain peut décider d’une damnatio memoriae pour les capitouls jugés indignes de leur fonction et dont le nom est dès alors effacé des actes publics et le portrait noirci dans la salle du conseil. À Montpellier, une délibération du 12 février 1590 constate les ratures sur le Thalamus et commande . Mais une deuxième mention marginale est ajouté suite à une délibération du 5 janvier 1593, assurant Jean Duranc du pardon du conseil et de sa réhabilitation dans tous ses droits civiques. Ainsi, le Petit Thalamus est à la fois le témoin et l’objet des enjeux politiques de la mémoire collective écrite sous la dictée de factions différentes et concurrentes qui se succèdent dans le gouvernement de la ville et dont les enjeux d’abord réels se déplacent ensuite sur le terrain symbolique.Bibliographie :
Claude Devic et Joseph Vaissète, Histoire générale de Languedoc, édition 1730-1745tome V, p. 379-386.
Louise Guiraud, La réforme à Montpellier, Montpellier, Société Archéologique de Montpellier, 1918, t. 1p. 444-445.
Rafaël Oliva, Vincent Challet et Jan Dumolyn, « La communauté comme espace de légitimité politique : bilan provisoire et perspectives de recherches », in Jean-Philippe Genet (dir.), La légitimité implicite, Paris, Presses Universitaires de la Sorbonne, 2015.
Marie Perny, « Les Annales manuscrites de la ville de Toulouse », Histoire urbaine, 2/2010 (n° 28), p. 45-64, [www.cairn.info/revue-histoire-urbaine-2010-2-page-45.htm., DOI : 10.3917/rhu.028.0045.]
Antoine dePontbriant, Le capitaine Merle, baron de Lagorce, gentilhomme du Roy de Navarre, et ses descendants avec lettres et documents inédits, Paris, A. Picard, 1886, 304 p.