Le Petit Thalamus de Montpellier

Top

Les annales occitanes, introduction historique

par Vincent Challet (CEMM)

Fastes consulaires

À partir de 1350 donc, s’opère la fusion définitive entre les listes d’avenimens et les fastes consulaires qui constituent la forme première et presque primaire d’une écriture urbaine prise en charge par le consulat. Initiées en 1204 – même si les premiers consuls ne portent ce titre qu’à partir de 1206 – sous la rubrique Aysso es lo comessamen, ces listes ne comportent à l’origine que les noms des douze magistrats urbains et du baile avant de s’étoffer pour englober d’abord le seul notaire du consulat (mentionné dès 1217 dans le plus ancien manuscrit conservé), puis l’ensemble des officiers majeurs du consulat (juge, assesseur, viguier, sous-viguier). Rapidement, toutefois, ces listes vont s’enrichir d’un certain nombre d’éléments narratifs inscrits directement à la suite des noms des consuls et non plus notés séparément dans une liste d’avenimens. La première occurrence se situe très tôt, en 1217 précisément, à l’occasion de la prise du château de Madières par les milices urbaines au cours de ce qui apparaît comme la première opération concertée du populus montpelliérain sous l’égide de ses consuls. Entre 1217 et 1350, deux modes de consignation des événements vont donc coexister au sein des séries du Petit Thalamus, les actes considérés comme étant intrinsèquement liés à l’existence et au fonctionnement même du consulat bénéficiant d’une inscription privilégiée au sein de la mémoire montpelliéraine en étant intégrés à la suite des listes consulaires. Dès 1221, les consuls font enregistrer à la suite de leurs noms une décision fondamentale pour l’avenir du consulat et son mode de fonctionnement : Qui consules supradicti proxime fecerunt incoari et scribi hoc registrum(ANF, J 339) . Les consuls de cette année-là firent commencer et écrire ce registre. Décision fondamentale puisqu’elle marque le point de départ de constitution de la série des Thalami au sens large, le registre dont il est question ici correspondant à un Grand Thalamus qui est, à l’heure actuelle, considéré comme perdu mais dont découle l’exemplaire conservé aux Archives Municipales de Montpellier (ms AA4).

Au reste, les actes qui font l’objet d’une telle inscription demeurent pendant longtemps aussi rares que précieux. Parcourons rapidement les premières années de ces fastes consulaires : elles ne conservent en définitive, pour ces premières décennies d’existence du consulat, que le souvenir de la prise du château de Boisseron en 1222, de la tournée diplomatique de 1225 qui conduisit à l’établissement de traités de paix et de commerce avec Gênes, Pise, Nice, Toulon et les seigneurs d’Hyères et d’Antibes, et enfin la consécration de Notre-Dame-des-Tables en 1230. Afin d’expliciter le double processus d’enregistrement de ce matériau historique, prenons, à titre d’exemple, l’année 1226 : aucun événement survenu cette année-là ne paraît digne d’être retenu et consigné au sein des Fastes consulaires. En revanche, les avenimens ne manquent pas de signaler que c’est à ce moment-là que le roi de France, Louis VIII, s’empara d’Avignon et en fit détruire les murailles avant de mourir à Montpensier sur le chemin du retour. Événement considérable du point de vue de l’histoire méridionale puisqu’il devait déboucher, à terme, sur le traité de Meaux-Paris qui entérine la cession des domaines des Trencavels et des possessions du Languedoc oriental des comtes de Toulouse à la couronne de France. Mais un événement qui ne touche pas, en tant que tel, à la structure même du consulat et à son fonctionnement et ne trouve pas sa place dans les Fastes consulaires.