Le Petit Thalamus de Montpellier

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La chronique française du Petit Thalamus de Montpellier

par Marc Conesa (CRISES) et Stéphane Durand (Centre Norbert Elias)

La chronique française du Petit Thalamus dans les histoires de Montpellier

Comment la chronique moderne du Petit Thalamus participe-t-elle et s’insère-t-elle dans l’histoire de Montpellier ? La question, de prime abord simpliste, voire positiviste, exige un décryptage, tant la chronique révèle tout à la fois le rapport singulier de la ville à son passé et les modalités de l’écriture de son histoire. Deux constats s’imposent. En premier lieu, les travaux portant sur l’histoire de Montpellier semblent plus nombreux que dans les villes françaises de taille comparable11. Une rapide recension des histoires urbaines effectuée à partir des plates-formes bibliographiques comme Worldcat et Sudoc, permet de saisir, certes de manière très grossière, la production historique concertant des villes de taille proche comme Montpellier, Toulouse, Nantes ou Rennes, à la tête desquelles la production historique de Montpellier culmine.. Cette production connaît des pics vertigineux, avec la publication d’œuvres phares, telles que celles de Charles d’Aigrefeuille (1737-1739), d’Alexandre Germain (1851) et de Louise Guiraud (1895-1918), et l’édition de sources – telles que le Thalamus Parvus en 1836 et les mémoires de Jean Philippi en 1880 – qui sont ensuite discutées, critiquées, prolongées pendant quelques années, et des creux abyssaux22. Voir le site Ngram, dont les graphiques montrent le nombre d’occurrences d'un lexème particulier (ici « histoire de Montpellier ») dans un corpus bibliographique formé des centaines de milliers d'ouvrages océrisés par Google : https://books.google.com/ngrams/graph?content=Histoire+de+Montpellier&year_start=1800&year_end=2000&corpus=19&smoothing=3&share=&direct_url=t1%3B%2CHistoire%20de%20Montpellier%3B%2Cc0, particulièrement autour de 1815 et dans la seconde moitié du XXe siècle en raison des conflits européens et mondiaux. La majorité des œuvres publiées est le fait de Languedociens, bien souvent montpelliérains, et ce n’est que récemment que des historiens étrangers à la région sont entrés dans cette historiographie33. Par exemple : Fred   Irvine, Social Structure, social mobility and social change in sixteenth-century Montpellier. From Renaissance City-state to Ancien Regime Capital, these d’histoire, Toronto, University of Toronto, 1979..

Quatre thématiques dominent cette production :

  • (1) l’histoire événementielle et politique interrogeant le basculement d’une ville médiévale relativement opulente et autonome à une cité sous administration royale,44. Joseph   Duval-Jouve, Histoire populaire de Montpellier, Montpellier, Coulet, 1878 ; Albert   Fabre, Histoire de Montpellier depuis son origine jusqu'à la fin de la Revolution, Montpellier, s. n., 1897 ; Garonne, Histoire de la ville de Montpellier sous la domination de ses premiers seigneurs, sous celle des rois d’Aragon et des rois de Majorque, Paris, N. Richard, 1828 ; Alexandre   Germain, Histoire de la Commune de Montpellier depuis ses origines jusqu’à son incorporation definitive a la monarchie francaise, Montpellier, Martel, 1851 ; Jean   Segondy, Histoire de Montpellier, s.l., s. n., 1968-1970.
  • (2) l’histoire religieuse née et demeurée ancrée dans la fracture des années 1560,55. Philippe   Corbière, Histoire de l’Église réformée de Montpellier depuis son origine jusqu’à nos jours, avec de nombreuses pièces inédites sur le Languedoc, les Cévennes, et le Vivarais, Montpellier, Ferdinand Poujol, 1861 ; Louise   Guiraud, La Réforme à Montpellier, Montpellier, Impr. générale du Midi, 1918, 2 vol. ; Valérie   Lafage, Montpellier au temps des troubles de religion : pratiques testamentaires et confessionnalisation, 1554-1622, Paris, H. Champion, 2010.
  • (3) l’histoire de l’université et des hôpitaux, liée au prestige de la faculté de médecine,66. Pierre   Béral, Histoire de l’Hôpital de la Charité de Montpellier (1646-1682) : berceau de l’Hôpital Général, Montpellier, Imprimerie centrale du Midi, 1899 ; Robert   Dumas, Marie-Sylvie   Grandjouan, Hubert   Bonnet et Andre  ́ Durand, Histoire de l’hôpital général et de l’hôpital Saint-Charles de Montpellier, Montpellier, Sauramps médical, 2002. On se rapportera également aux travaux d’Hélène   Berlan, Faire sa médecine au XVIIIe siècle. Recrutement et devenir professionnel des étudiants montpelliérains (1707-1789), Montpellier, PULM, 2013 ; Louis   Dulieu, La médecine à Montpellier, Avignon, Les Presses Universelles, 1975-1990.
  • (4) l’histoire d’une topographie urbaine en prise à des transformations urbanistiques majeures depuis le XVIIe siècle et face auxquelles les œuvres des historiens cherchent à redonner du sens à cet espace urbain bouleversé.77. Louis Henri   Escuret, Histoire des vieilles rues de Montpellier, Montpellier, Presses du Languedoc, 1984 ; Louis   Grasset-Morel, Montpellier. Ses sixains, ses îles et ses rues, ses faubourgs, Montpellier, Louis Valat, 1908 ; Louise   Guiraud, Recherches topographiques sur Montpellier au Moyen Age. Formation de la ville, ses enceintes successives, ses rues, ses monuments, Montpellier, Coulet, 1895.

Montpellier n’a pas une mais plusieurs histoires et c’est cet éclatement qui interroge la place particulière de la chronique française du Petit Thalamus dans l’histoire montpelliéraine, rarement au premier rang – qu’il ne tient qu’en 1836 avec la publication du Thalamus Parvus – mais bien souvent en filigrane, comme si le registre habitait durablement et paradoxalement l’écriture de l’histoire de cette ville.