D’une certaine manière, la chronique française du Petit
Thalamus se trouve déconnectée de l’espace régional et
entièrement insérée dans une écriture officielle de l’histoire
locale. Le passé de la ville et celui de la province ne s’en
construisent pas moins l’un au miroir de l’autre. Alors que les
états provinciaux subventionnent l’Histoire Générale du
Languedoc, ce qui les rend maîtres du temps historique
mis au service des privilèges de la province et des états,
l’Histoire de la ville de Montpellier est
dédicacée aux autorités
militaires et ecclésiastiques11. Plus précisément, l'histoire de Montpellier est
dédicacée au lieutenant-général de la province, Armand François de la Croix,
marquis de Castries, et l'histoire ecclésiastique à Georges Lazare Berger de
Charency, évêque de Montpellier. et se place sous leur
protection. L’œuvre d’Aigrefeuille obtient aussi le soutien du
consulat, qui en finance partiellement les travaux d’imprimerie pour
des raisons politiques. Les puissants du royaume et de la province,
comme le cardinal de Fleury ou le chancelier d’Aguesseau, reçoivent
des exemplaires richement reliés, avec une couverture de maroquin
vert, et les consuls en grand costume, trompettes et
tambours
vont même offrir au duc de Richelieu,
gouverneur de la province, un exemplaire couvert de maroquin rouge
et à tranche dorée22. Voir les additions de la réédition par
, op.
cit., p. 743.. Il ne
s’agit nullement de dons désintéressés aux autorités, mais d’une
offensive politique pour le maintien des positions politiques et
catholiques. Charles d’Aigrefeuille le dit sans ambages33. , Histoire de
la ville…, op.
cit., p. I : je pouvois accorder les Fonctions de
mon Etat avec celles de bon Citoyen puisqu'il n'eft pas indiferent de
faire connoître les Malheurs qui fuivent le mépris de la Religion comme
on pourra l'obferver dans l'Affaire des Albigeois, & des
Religionnaires de nôtre Tems, dont l'Hiftoire eft infeparable de celle
de Montpellier
. Le parti-pris est donc clairement énoncé et
assumé pour cet érudit formé chez les jésuites et qui prit la tonsure en
1685., comme Gariel son
prédécesseur et partiellement inspirateur44. , Idée de la ville de
Montpellier, op.
cit., p. 6 : […] cette ville l'une des plus
fleurissantes de l'Europe, au sentiment de Jacques le Conquérant Roy
d'Aragon, qui y prit naissance. Ses prosperitez se seroient accrues
incessemment et seroient parvenues à un estat plein de gloire, si
l'hérésie ne leur eut opposé son orgueil et son envie et ne l'eust faite
long-temps gémir sous le joug des erreurs du Calvinisme, dont elle
alloit estré accablées sans les heureuses victoires de Louis le juste
[...]
.. Si la paix est imposée par le
pouvoir royal, elle n’en laisse pas moins s’agiter des plumes
aiguisées pour mener autrement l’affrontement religieux. Dans ces
œuvres, l’identité des auteurs n’est pas neutre et la chronique
française, comme débarrassée de tout parti-pris, fonde de prétendus
discours historiques objectifs en leur offrant une fausse
neutralité. Embrigadé dans des œuvres de combat, le Petit
Thalamus participe d’une écriture de l’histoire au
service de l’une ou de l’autre des confessions qui se disputent la
ville55. On ne s'en tiendra ici qu'à la mention de l’œuvre de
Louise Guiraud dont l'utilisation de l'histoire a tout de l'offensive
catholique à la fin du XIXe siècle et au début du
XXe siècle, comme une sorte de répétition des
affrontements du XVIe siècle. Son retour vers le Moyen
Age est celle d'un espoir vers une ville entièrement unie du point de vue
religieux. .