À la différence du latin qui propose des modèles d’écriture adaptés aux divers registres élevés, les notaires du consulat ne disposent probablement pas pour l’occitan de modèle antérieur qui pourrait leur servir de référence. Même si la compilation des premiers chansonniers de poésies troubadouresques est plus ou moins contemporaine de l’apparition de cet occitan administratif, la fixation écrite de la poésie lyrique occitane n’est sans doute pas d’un grand secours pour la mise en place d’un registre administratif ou technique dans cette langue. En comparant ces deux types d’écrit, on y trouvera au mieux une certaine convergence dans les choix graphiques. À ce titre, le consulat montpelliérain représente donc un véritable laboratoire pour l’établissement d’un occitan officiel écrit. Les Petits Thalami, dont l’écriture en occitan couvre près de trois siècles (ca 1260-1426), représentent une source documentaire unique pour étudier la mise en place et la fixation progressive de normes d’usage pour l’occitan écrit officiel.
Le manuscrit AA9 plus communément appelé Petit Thalamus
est bien évidemment le plus important des manuscrits du consulat par son
ampleur, par la durée de sa rédaction, mais aussi et surtout parce qu’il
est le dernier de la tradition. À ce titre, il donne à voir la version
la plus élaborée d’occitan officiel écrit qui, loin d’être rédigée avec
la plus grande négligence
et contre toutes les
règles même les plus vulgaires de l’orthographe
, comme le
prétendaient les premiers éditeurs du XIXe siècle
(Pegat, Thomas &
Desmazes 184011. Le petit thalamus de Montpellier
[Texte imprimé] : thalamus parvus / publié pour la
première fois, d’après les manuscrits originaux, par la Société
archéologique de Montpellier. - Montpellier : J. Martel ainé, 1840. - 1
vol. (LXIX-652 p.) : pl. ; 29 cm. - (Publications de la Société
archéologique de Montpellier ; n° 2, 4-5, 8-9, 11).
, XLVII), représente l’aboutissement de plusieurs
décennies de tâtonnements et de recherches de solutions graphiques pour
établir un système de correspondance performant entre phonie et graphie.
Il va de soi que les normes d’usage qui se mettent en place au Moyen Âge
ne peuvent pas se mesurer à l’aune de notre conception actuelle de la
norme, bien plus rigide et contraignante. En revanche, le processus de
rédaction en occitan des annales du Petit Thalamus répond
en tous points aux conditions de mise en place d’une norme ou de normes
d’usage linguistiques puisque cet occitan officiel se bâtit peu à peu
sur la somme des pratiques régulatrices et des efforts de
standardisation des générations précédentes et finit par connaître une
phase de relative stabilisation. À partir de des années 1340-1350, les
annales du manuscrit AA9 se caractérisent notamment par une relative
homogénéité graphique que ce soit dans les événements ajoutés
directement après les listes consulaires ou dans les fragments insérés à
cette même époque en marge des premières années du consulat. Cette
homogénéité, quoique imparfaite encore, est d’autant plus frappante si
on la compare aux choix graphiques hétérogènes qui caractérisaient les
premiers Petits Thalami de la fin du XIIIe siècle.