Le graphème o représente le o ouvert et sa variante fermée de façon relativement homogène du début à la fin de la rédaction du Petit Thalamus. La transcription des formes occitanes autochtones ne permet pas de savoir avec certitude à quel moment la voyelle fermée représentée par o est passée à u, sauf peut-être dans quelques formes notées avec la valeur latine de u (ufici, voluntat) ou encore dans la forme utava de Pascas (1383) corrigée en octava. En revanche, d’autres indices sont précieux, notamment le fait que les formes toponymiques du français, de l’italien ou de toutes les langues en général ne soient pas intégrées telles quelles mais adaptées systématiquement à l’occitan, soit par simple traduction – Beljoc (Beaujeu dans le Beaujolais), – soit par adaptation de leurs formes phonétiques aux contraintes graphiques de l’occitan (Anjo, fr. Anjou, Torena, fr. Touraine, Bar en Polha, ital. Puglia, Borgas, fr. Bourges, Ayrecort, fr. Azincourt, Terohana, fr. Thérouanne, Roams, fr. Rouen, etc.). Toutes ces exemples nous permettent de penser qu’au graphème o correspond bel et bien la prononciation u. Signalons au passage que la logique de l’adaptation exonymique va jusqu’a soumettre les o ouverts des langues étrangères aux contraintes de la diphtongaison conditionnée devant palatale, exactement comme pour les formes autochtones. Une forme diphtonguée comme Boluonha (fr. Boulogne) avec o ouvert peut ainsi clairement s’opposer aux formes non diphtonguées Bolonia en Italie et Borgonha (fr. Bourgogne) en France, sans doute prononcées u par les contemporains du consulat. On trouve également à plusieurs reprises les formes Cataluonha/Cataluenha (Catalogne). La forme catalane actuelle Catalunya avec u représente l’évolution normale de cette ancienne diphtongaison de o ouvert en catalan. On trouve également la forme Gascuenha dans le Petit Thalamus en 1361, 1363 et 1403, mais c’est aussi la forme que l’on trouve dans la Cançon de la Crosada. Il semblerait donc que la forme Gasconha de l’occitan contemporain ait connu une évolution similaire à celle de Catalunya, autrement dit une réduction de la diphtongue issue de o ouvert.
Les graphèmes a (a) et e (e/ɛ) ne posent pas véritablement de problèmes sauf pour rendre compte de la voyelle post-tonique a. Le languedocien montpelliérain conserve aujourd’hui encore la prononciation a pour cette voyelle posttonique majoritairement passée à ᴐ dans les autres dialectes de l’occitan. À ce sujet, il est d’ailleurs intéressant de relever que les annales du consulat refusent de transcrire les o posttoniques de l’italien avec o et leur préfèrent a : Viterba (ital. Viterbo), Albana (ital. Albano). S’agit-il d’éviter par ce choix que la présence de o induise une prononciation u ? S’agit-il de la reprise d’un trait de norme plus général qui tend ailleurs qu’à Montpellier à donner à a la valeur de ᴐ en position posttonique ? Il reste difficile de comprendre ce qui motive ce choix.
Dans le Petit Thalamus, on relève quelques
passages de a à e qui signalent un glissement de la prononciation de
a vers e dans un contexte
palatal (Aymeric, Eymeric). Dans un certain nombre de
cas, on peut supposer que la modification de l’articulation de
a est provoquée
par une affriquée post-alvéolaire, notamment sous la plume d’un
scribe qui écrit fo fache
ou
la diche protestacion
. Une
partie des ces formes ont été reprises par un scribe qui a pris
le soin de corriger les e pour
rétablir a. On retrouve ce même
phénomène de façon beaucoup plus importante pour –ia. La graphie ie que l’on voit apparaître dans les années 1370,
tant pour la conjugaison (avie,
volie, fazie) que pour le lexique (Agulharie, espiciarie,
jutjarie, escuarie), enregistre sans doute à l’écrit le
processus oral
de synérèse déjà accompagné du phénomène de palatalisation de
a qui conduira aux
formes actuelles du montpelliérain en jɛ. L’apparition
de y fréquemment associée à un yod
j dans une forme
comme Jacme de la Manhanye
en 1372 permet sans doute d’appuyer
l’hypothèse de la synérèse. Trois formes isolées sont présentes
devant nasale dans les mêmes années (avien en 1370, conduzien en 1371, jasien en 1372), après quoi on retrouve plus
régulièrement –ia et –ian pour la conjugaison. Le fait que ces réalisations
renvoient à des réalisations orales est sans doute la cause de
leur disparition ultérieure du registre écrit où, à l’exception
des trois occurrences au XVe siècle (volie, avie, fazie), on ne
trouve plus que –ia ou –ian. En revanche, on s’explique mal les trois formes
dizion (1387), morion (1391), tenion (1394)
qui pourraient
laisser croire que se manifeste une tendance à l’arrondissement
du a en ᴐ. Étant donné
que ces formes n’existent pas dans le languedocien
montpelliérain actuel, on se contentera de noter la proximité
graphique de ce morphème de conjugaison avec la finale des
substantifs tels que procession.