On rencontre dans la Chronique un grand nombre de mots où le digramme « ai » apparaît en lieu et place d’un « a » moderne, comme dans Espaigne, acompaignez, correspondant à des doublets dont il reste des traces aujourd’hui Montaigne / la montagne, et qui furent normalisés au 17e siècle, ainsi que le montre le grammairien Laurent Chifflet11. en 1659 :
I’ay desja dit, en la
prononciation de l’a, n. I8. qu’on n’escrit plus l’i aprés l’a,
deuant gn, aux mots où il ne se
prononce pas: comme, Espaigne, campaigne, gaigner etc. Mais l’on escrit, et l’on prononce,
Espagne, campagne, gagner, compagnon etc.
Apparemment présentes devant « gn » selon Chifflet, dans le texte ces formes se trouvent également devant le seul « g », comme dans domaige, ou ymaige, ce qui semble correspondre à des habitudes d’écriture bien plus qu’à des manières de prononcer.
Cette variation peut aussi apparaître dans le sens inverse, soit
A pour AI ou pour E – quelle que soit sa prononciation – comme
par exemple dans les fortarresses de la
ville
(1529). Ceci
encore est un phénomène connu à travers les remarques de
Vaugelas, qui cherche à stabiliser un siècle plus tard la
distribution de « a » et « e » dans le lexique courant :
Vaugelas,
164722. Remarques sur la langue françoise, A Paris, chez Vve
Camusat et P. Le Petit. , 1647,
– Guarir, guerir, sarge. Autrefois on
disoit l’vn et l’autre, et plustost guarir, que guerir, mais
aujourd’huy ceux qui parlent et escriuent bien, disent
tousjours guerir, et jamais guarir. Aussi l’e est plus doux que l’a,
mais il n’en faut pas abuser comme font plusieurs qui disent
merque, pour marque, serge, pour sarge (toute la ville de Paris dit
serge, et toute la Cour, sarge) et merry, que tout Paris dit aussi pour marry.