Le Petit Thalamus de Montpellier

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Le projet Thalamus

par Vincent Challet (CEMM), Gilda Caïti-Russo (LLACS) et Philippe Martel (LLACS)

Critères d’édition

Nous souhaitons présenter ici les critères adoptés pour l’édition et la traduction des Annales Occitanes de Montpellier, unité thématique historiographique qui occupe 40% de l’écriture médiévale du codex AA9 des Archives municipales de la ville de Montpellier, mieux connu sous le nom de Petit Thalamus.

Choix du manuscrit de base

Les Annales occitanes du AA9 représentent l’unique attestation du développement narratif de deux typologies historiographiques distinctes : la liste chronologique des consuls et celle des événements. Ces typologies se retrouvent dans une grande partie de la tradition scripturaire du livre de gouvernement du Montpellier médiéval, représentée par 8 codices :

Pertinence de l’ensemble de la tradition manuscrite au sein de l’édition

Le choix du ms. AA9 (sigle H) comme manuscrit de base pour l’édition s’est donc imposé par son caractère d’aboutissement « textuel » témoignant d’un projet historiographique qui dépasse largement le statut proto-textuel de la liste pour aboutir à une prose historiographique à proprement parler. Cependant, la présence, dans l’édition, du texte intégral de tous les autres codices se justifie dans le cadre de la spécificité d’une écriture à la fois diachronique et collective. Elle permet donc l’étude exhaustive des variantes linguistiques et historiques de l’ensemble de la tradition du corpus historiographique en question.

Des statuts textuels différents

Les annales du ms. AA9 présentent des nombreux marginalia ainsi que des signes d’indexation qui témoignent de la lecture du texte le long des siècles. L’édition prend en compte les gloses marginales et interlinéaires en prenant soin de les présenter comme ayant un statut textuel différent : elles apparaissent de ce fait en retrait dans l’édition.

Graphie

La graphie du manuscrit a été scrupuleusement respectée dans sa variation, constitutive des langues naturelles et ici contrecarrée par une tension évidente vers une norme graphique pré-diglossique. Les leçons qui ont paru erronées ont été signalées, discutées et corrigées dans l’apparat critique. Conformément à l’usage en vigueur pour l’édition occitane médiévale, nous avons introduit la différence entre i et j et u et v alors que seuls les graphèmes i et u figurent dans les manuscrits.

Ponctuation et majuscules

La ponctuation et l’emploi des majuscules de la transcription suit l’usage des langues contemporaines. Pour les noms des ordres religieux il faut noter que le nom écrit avec une initiale majuscule indique un lieu : un couvent de l’ordre (ex. a Prezicadors) ; le même nom écrit avec une initiale minuscule indique en revanche l’ordre lui-même (ex. prezicadors).

Abréviation des noms communs et des noms propres

Les abréviations des mots qui ne sont ni noms propres ni titres de civilité ont été restituées.

Les prénoms des consuls dont seule l’initiale apparaît dans les manuscrits n’ont pas été restitués dans le texte occitan, la traduction les affiche en les restituant selon la graphie occitane classique.

Les noms de famille contenant des particules (préposition « de ») du type /del Forn/ ont été systématiquement éditées dans le texte occitan en suivant la leçon du manuscrit de base. Dans la traduction et dans les index ces noms apparaîtront toujours détachés et en graphie classique.

Traduction des titres de civilité

La particule de civilité « en », qui précède une grande partie des prénoms et noms de consuls (littéralement « sieur »), n’est pas traduisible, n’ayant pas d’équivalent en français moderne ; la transcription permet de relever par ailleurs sa présence.

Les autres titres, qu’ils apparaissent ou non dans les manuscrits en abrégé, n’ont pas été développés ayant été rendus dans la traduction par les titres de civilité abrégés correspondants en français : (ex. Mgr pour Mo).

Traduction des noms propres

Dans la traduction, les prénoms et les noms des consuls montpelliérains et des personnalités locales ne sont pas traduits en français : pour les noms présentant des variantes linguistiques une forme standard ou lemmatisée a été proposée. Exemple : Peire de Concas ne deviendra donc dans la traduction ni Pèire de Conques (traduction du seul toponyme) ni Pierre de Conques (traduction du prénom et du toponyme). Nous retiendrons pour la traduction (et l’entrée d’index) la seule forme Pèire de Concas, laissant de côté les graphies alternatives et minoritaires (ex. Conchas, Quonquas) qui sont toutefois visibles dans l’édition et reliées à l’entrée d’index par un système de renvois.

En dehors des noms des consuls montpelliérains et des personnalités locales, les noms de lieux et de personnes ont été traduits en français (ex. Jacme d’Aragon devient dans la traduction Jacques d’Aragon).

Traduction des noms de lieu

La traduction propose les noms de lieux dans leur forme actuelle : ex. Sala de l’Avesque = Salle l’Évêque (nom actuel de la rue où se trouvait autrefois l’emplacement du siège épiscopal) ;

Composition de l’édition électronique

L’édition critique électronique des Annales occitanes se compose :

  • d’une édition mécanique représentée par l’image numérisée du manuscrit AA9
  • d’une édition critique du même manuscrit
  • des éditions des autres témoins
  • d’une traduction en français
  • d’un index des noms de personnes et de lieux
  • d’un commentaire historique

Il est important de noter que l’image à haute définition du manuscrit et son édition assurent la transmission de l’intégralité des informations de toute nature qu’offre le AA9. L’apparat critique de l’édition, la traduction, les index et le commentaire historique trouvent leur raison d’être dans la restitution scientifique de ces informations pour le lecteur d’aujourd’hui.

L’exemple le plus évident de ce travail de restitution est constitué par le traitement des noms propres, sujets à la variation graphique dans les codices : la variation a été respectée dans l’édition alors qu’une forme unique, standardisée selon la graphie occitane classique, a été adoptée dans la traduction (lemmatisation).

L’interaction synoptique de l’image, de l’édition, de la traduction, des index et du commentaire historique offre ainsi la possibilité de passer de l’information documentaire, ordonnée et hiérarchisée, à la reconstitution de son sens à tous les niveaux.