L’an mil cinq cens cinquante | ung feurent
consulz, |
monsieur Abrégé : monsrmessireAbrégé : mre Eustrice Philippy, docteur ez droict, au
| paravant et naguieres conseillerAbrégé : conr du roy et generalAbrégé : gnal en la | court dez aydez,
sire GuillaumeAbrégé : Guille Dumas, merchant cedier,
messireAbrégé : mreGuillaumeAbrégé : Guille Selier, notaireAbrégé : noe,
Jehan Verchant le jeune
Francoys Bonnaterre, bouchier,
[Fol. 527 r°]
__
Anthoine Serre, laboureur.
Ceste annee feust changé l’estat de la justice ordinaire de la | ville de
Montpellier, car commeAbrégé : come ainsin qu’est notoire auparavant | y eust en la ville de
MontpellierAbrégé : Montpell deux sortes de juridictionAbrégé : juridionordinaireAbrégé : orde, | l’une du baille et de la baillie en laquelle y avoyt juge,
| soubz baille et soubz juge, ledictAbrégé : led baille annuel electif | a la nominationAbrégé : noiaon des consulz et confirmationAbrégé : confirmaon de monseigneurAbrégé : monsr le | Au grand talamusAbrégé : talam | folioAbrégé : fo = 90/2 [a]Ajout en marge
sans insertion dans le texte gouverneur, lequel baille appres creoyt les autresAbrégé : aues | officiers et duquel les appellationsAbrégé : appellaons ressortissoient | a la court dudictAbrégé : dud seigneur gouverneur, l’autreAbrégé : auejuridictionAbrégé : juridion | ordinaire estoict dicte de la rectorie et part anticque, | ayant
recteur et juge et leurs lieuctenentz | perpetuelz et pour ressort ung
petit quartier | de la ville, despuis la porte de Lattez jusques | a celle du Pillier Sainct Gille et au dehors plusieursAbrégé : plusrs | bons villaiges, duquel recteur et de sondictAbrégé : sond ressort | les appellationsAbrégé : appellaons et la juridictionAbrégé : juridion en seconde instanceAbrégé : instan | appertenoyt a monseigneurAbrégé : monsr le seneschal de Beaucaire , | dont s’en
ensuyvoient plusieurs incomodités en la | justice et au peuple. Par quoy instant[b] Comprendre «
immédiatement ». monseigneurAbrégé : monsr | le procureur Abrégé : procurgeneralAbrégé : gnal au parlement de TholozeAbrégé : Thle, le roy | par son edict du quinziesmeAbrégé : quinzie de septembre audictAbrégé : aud an, | unissant lesdictesAbrégé : lesd deux juridictionsAbrégé : juridions et ressortz de la | baillie et rectorie de la part anticque,
estaignit | et supprima les offices desdictzAbrégé : desd baille et recteur de | leurs aultres Abrégé : aueslieuctenantAbrégé : lieucten et, faisant desdictzAbrégé : desd
[Fol. 527 v°]
__ deux juridictionsAbrégé : juridiions une viguerie royalle, | y crea ung viguier perpetuel auquel il
| y provoirront vaccationAbrégé : vaccaon advenant a la | nominationAbrégé : noiation dez consulz dudict Abrégé : dudMontpellierAbrégé : Montpell creant | le recteur de ladicteAbrégé : lad part anticque, qui lhors | estoict messireAbrégé : me Anthoine du Robin, docteur ez loix, | juge
ordinaire de ladicteAbrégé : lad viguerie avec aultresAbrégé : aues | quallités mentionnee audictAbrégé : aud edict, a la publicationAbrégé : publicaon | duquel, comme Abrégé : comeenervatifEnervatif : qui
affaiblit
(Dictionnaire de la langue
française du seizième siècle, Paris, Honoré Champion, 1925 ; édition
électronique Garnier [consulté en octobre 2014], 18237). , des antiens droictz | et privillieges de la
ville touchant le baille | et la baillie, lesdicts Abrégé : lesdseigneursAbrégé : srs consulz au nom de la | ville ce opposerent, mays nonobstant ledictAbrégé : ledt | edict feust receu et publié par arrest de ladicteAbrégé : lad | court de parlement du dixiesme decembre | audictAbrégé : aud an, avec ce que lesdictzAbrégé : lesd consulz auroient | l’administrationAbrégé : administraon de la police. Lesdictz Abrégé : LesdseigneursAbrégé : srs consulz | et ville, voiant leurs antiens droictz ainsin |
abolis, ce proveurent[c] Comprendre «
pourvurent ». d’aultresAbrégé : aues comodités qui | leur feust offert, c’est qu’ayant le roy |
depputez commissaires pour vandre son domayne | a rachapt perpetuel, lesdictzAbrégé : lesd seigneurs consulz | achaptarent desdictzAbrégé : desd commissaires la seigneurie | haulte, moyenne et basse, mere, mixte, impere[d] Comprendre «
merum et mixtum imperium », c’est-à-dire la haute et basse justice.
, | desuppra | folioAbrégé : fo = 8 = [e] Ajout en marge
sans insertion dans le texte lez vantes de toutz aultresAbrégé : aues droictz seigneuriaulx | audictAbrégé : aud seigneur apertenantz en ladicteAbrégé : lad ville pour | troys mil trente livres. Le xxiii e de __
[Fol. 528 r°]
__ mars audictAbrégé : aud an 1551 et prins a l’IncarnationAbrégé : Incarnaon, n’ayant esté | proveu par le roy a l’office de viguier juxte[f]c’est-à-dire «
jusque ». l’edict | prochainement mentionné, ains[g]Comprendre «
mais ». estant le baille encores | joyssant de son estat en vertu dudictAbrégé : dud achaipt, lesdictzAbrégé : lesd | seigneurs consulz ce firent investir et mectre en | poccession de ladicteAbrégé : lad justice ordinaire et dudictAbrégé : dud office | de baille ou viguier par la cession et remission qui
| leur en feust sollempnement faicte. Le baille qui
| lhors estoict noble Jehan de la Vrille,
baillant et | relauxant[h]C’est-à-dire « relâchant ». son baston et baguette audictAbrégé : aud dessus nommésAbrégé : nomm | monseigneurAbrégé : monsr Philippy, premierAbrégé : pmier consul, pour et au nom dez | aultres et de toute la ville, publicquement en l’auditoire | de la
court du baille de xxiiiie dudictAbrégé : dud mois de mars | et dernier pour de leurdictAbrégé : leurd consollat, commeAbrégé : com l’on scaict, et | ainsi feust ledict Abrégé : ledseigneur Philippy le premierAbrégé : pmier consul | de MontpellierAbrégé : Montpelli qui eust l’administrationAbrégé : administraon de la justice | et porta la baguette et baston d’icelle, jacoyt[i] Comprendre «
quoique ». que | ce ne feust que despuis vespres dudictAbrégé : dud jour xxiiiie | de mars jusques a lendemain envyron les unze heures | jour de
l’adnonciation nostre dame qu’est acoustumé | recepvoir les consulz
noveaulx. Sur la fin de ceste | annee prinse a l’IncarnationAbrégé : Incarnaon , scavoir audictAbrégé : aud mois de | mars, feurent par le roy crees ez sieges dez |
seneschaulx de ce royaulme dez consillers juges | et magistratzAbrégé : magratz presidiaulx, avec pouvoir de juger __
[Fol. 528 v°]
__ soverainement jusques a certaine sommeAbrégé : som et entre | aultresAbrégé : aues au siege et gouvernement de Montpellier.
Année 1551 : commentaire historique
Bien que l’année 1551 fut marquée, selon Léon Ménard et selon les auteurs de l’Histoire générale de Languedoc, par les progrès de « l’hérésie », notamment à Montpellier où, comme dans d’autres lieux, on trouva « un grand nombre de sectaires », le Petit Thalamus ne retient que les effets de la réforme judiciaire qu’opéra Henri II dans le royaume. Il n’évoque pas non plus les états tenus du 21 octobre au 3 novembre 1551, au lieu habituel de ses séances à Montpellier, la salle haute de la Loge. Il y fut tout de même question de la contestation de la présidence de l’assemblée par l’évêque de Castres contre l’évêque de Montpellier, absent en début de session car il présidait le synode du diocèse. Mais rien de tout cela n’intéresse le scripteur de la chronique.
Comme l’explique le récit du Petit Thalamus, il y avait à Montpellier deux juridictions ordinaires, celle de la cour du baille, pour la seigneurie de Montpellier, et celle du recteur de la part antique, pour Montpelliéret et plus d’une trentaine de villages des environs (voir la liste dans d’Aigrefeuille, p. 565), juridiction qui, avant d’être au roi, fut aux évêques de Maguelone. Ces deux tribunaux étaient fort différents, tant en termes de modes de désignation de leurs officiers que de ressorts d’appel. La cour du baille était présidée par un magistrat choisi annuellement par les consuls et qui procédait lui-même à la nomination de ses subalternes. En revanche, la rectorie de la part antique était une charge royale et viagère. Quant à « l’appellation » – c’est-à-dire l’appel – de ces deux juridictions, celle de la cour du baille relevait du juge du gouvernement de Montpellier, celui de la part antique du sénéchal de Beaucaire.
Au XVIIIe siècle, Charles d’Aigrefeuille rapporte qu’un litige advint en 1543 au sujet d’un cumul de charge à la cour du baille, une affaire qui fut tranchée en 1547 par un arrêt du Conseil du roi. En outre, Léon Ménard explique que les consuls de Montpellier s’opposèrent en 1551 aux manœuvres du juge du gouvernement – appuyé par deux conseillers du parlement de Toulouse – visant à capter l’appel des causes de la rectorie de la part antique. Peut-être ces troubles répétés justifièrent-ils que l’on réglât le problème de la dualité de juridictions par un édit du 15 septembre 1551 qui les réunit toutes les deux et les transforma en viguerie royale, sous l’autorité d’un viguier de robe courte, d’un juge ordinaire et d’un lieutenant particulier. Toujours est-il que le consulat y perdit donc son pouvoir de nomination du baille. Mais Charles d’Aigrefeuille explique que, s’il fut facile de supprimer la charge annuelle de baille, il en fut autrement de celle de recteur, qui était viagère. Aussi fut-il décidé de maintenir en charge son dernier titulaire, Antoine du Robin, jusqu’à sa mort.
Il s’ensuivit une bataille juridique que raconte le Petit Thalamus. L’édit étant « énervatif » des anciens droit du consulat, ce dernier s’opposa à sa publication mais il ne put l’empêcher : l’édit fut enregistré par un arrêt du parlement de Toulouse du 10 décembre 1551. Néanmoins, à la recherche d’argent pour financer la guerre, Henri II se mit à aliéner une partie du domaine royal. Le consulat de Montpellier profita alors de cette occasion pour faire l’acquisition des droits seigneuriaux dans la ville, y compris – donc – la justice seigneuriale, mère, mixte et impère, contre la somme – dit la chronique – de 3 030 livres. Il mit ainsi la main sur la charge de viguier au début de l’année 1552 (1551 ancien style). La charge de viguier n’ayant pas encore été pourvue et le baille remplissant encore sa fonction, ce dernier – « qui lhors estoict noble Jehan de la Voilhe » – remit les insignes de la justice – « son baston et baguette » – au premier consul, le sieur de Philippi, le 24 mars 1552 (1551 ancien style). En conséquence, quelques mois plus tard, l’édit de Compiègne de juillet 1553 unit la charge de viguier à celle de premier consul, situation qui perdura jusqu’en 1693, date à laquelle la charge fut incorporée au siège présidial (voir 1553).
Entre temps, en janvier 1552, l’édit de Fontainebleau créa, comme le dit la chronique, « ez sieges des seneschaulx de ce royaume dez consillers, juges et magistratz presidiaulx ». En effet, le roi rajouta un niveau de juridiction entre les sénéchaux et les parlements en créant les présidiaux, dont les magistrats devaient siéger en fait au sein des tribunaux de sénéchaussée. L’édit de mars 1552, donné à Reims, en créa plusieurs en Bas Languedoc, dont ceux de Béziers et de Nîmes, mais point sur les bords du Lez. Aussi, « à la demande des consuls de Montpellier », écrit l’Histoire générale de Languedoc, un édit donné à Reims en octobre 1552 fit distraction de l’ancien ressort du gouvernement de Montpellier, auquel fut rajouté l’appel de la rectorie dite la part antique et du petit scel de Montpellier, avec démembrement d’une partie de la sénéchaussée de Nîmes, pour former le ressort d’un nouveau présidial. Finalement, le Petit Thalamus raccourcit cette histoire en évoquant la création du présidial de Montpellier comme s’il était issu de l’édit de Fontainebleau.
Bibliographie :
Charles d’Aigrefeuille, Histoire de la ville de Montpellier depuis son origine jusqu’à notre temps, Montpellier, chez Jean Martel, 1737, vol. 1p. 560-566.
Adolphe Baudoin et Félix Pasquier, Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790, Haute-Garonne, Archives civiles, série C, tome II, n°2276-2432, procès-verbaux des états de Languedoc, 1497-1789, avec tables, Toulouse, Imprimerie et librairie Edouard Privat, 1903, Baudoin.p. 44-45 (description du C 2279).
Didier Catarina, Les justices ordinaires, inférieures et subalternes de Languedoc. Essai de géographie judiciaire, 1667-1789, Montpellier, Publications de l’Université Paul Valéry, 2002p. 59-61.
Claude Devic et Joseph Vaissète, Histoire générale de Languedoc, Toulouse, Privat ; Paris, Claude Tchou, 2003-2005.tome XI, p.300-303.
Léon Ménard, Histoire civile, ecclésiastique et littéraire de la ville de Nismes, Paris, chez Chaubert et Hérissant, 1753, tome IVp. 201-211.
Roland Mousnier, Les institutions de la France sous la monarchie absolue, Paris, PUF, 1974tome II, p. 260-264.