L’an mil cinq cens et
trois, estans | consulz les nobles et honnourables hommes |
sires Jacques Bucelli, Pierre de
Leuze, Loys | Pance, Jehan
Serilhan, Anthoine Magat et | Anthoine Blaquiere, le reverend pere en Dieu | maistre Vincent de Chastelneuf, general de | tout
l’ordre des freres prescheurs de monseigneurAbrégé : monsr saint | Dominique, certiffié et bien adverti du | deshordre
que avoient parcidevant tenue | les freres de l’ordre des freres
prescheurs de | la ville de Montpellier, affin de reformer leditAbrégé : led | couvent
et leur faire tenir la reigle de monseigneurAbrégé : monsr | saint Dominique, desparties d’Italie ou leditAbrégé : led | maistre general fait sa residence continue, | vint en
ladicte ville de Montpellier,
auquel | fust faicte par lesdictz seigneurs consulz, | bourgeois et
autres gens de bien de ladicte ville | grande honneur et reverence telle
que luy | appartenoit. Et ainsi qu’il venoit en ladicte | ville,
aucuns desdictz freres prescheurs qui | avoient tenue ladicte mauvaise et
lubrique | vie, les ungs sortissoient[a]Comprendre «
sortaient », avec l’idée du franchissement d’un obstacle. par les murs et | murailhes dudit convent, et les autres par la | ou ilz pouvoient, s’en
fouyrent et laissarent | ledit couvent et habitz dudit saint
Dominique, | dont les ungs se firent et se mirent de l’abbaye | de Vallemagne, et | les
autres de la Merci, et __
[Fol. 463 v°]
__ et et[b] doublé par
erreur icellui reverend maistre general bien et | deuement informé de ce
que dit est, mesmementAbrégé : mesmemet | de ladicte mauvaise vie desdictz freres | prescheurs,
refforma ledit convent des | freres prescheurs bien et honnestement, |
selon la reigle duditAbrégé : dud monseigneurAbrégé : monsr saint Dominique, | et y mist des freres refformez en bonne |
quantité, tellement que la ou il y avoit | dix ou douze freres mal
condicionnezConditionné (mal) :
qui a une mauvaise nature, des vices, une mauvaise façon de vivre
.
Bien conditionné. Qui a une bonne nature, de
bonnes qualités, une bonne façon de vivre
(Dictionnaire de la langue
française du seizième siècle, Paris, Honoré Champion, 1925 ; édition
électronique Garnier [consulté en octobre 2014], 10620). , , que | ne avoient pour jour que six
blansBlanc : petite pièce
d'argent valant cinq deniers
(Dictionnaire de la langue
française du seizième siècle, Paris, Honoré Champion, 1925 ; édition
électronique Garnier [consulté en octobre 2014], 5374). ,
de | pitance et encorres ne pouvoyent vivre | de presentAbrégé : pnt, il en y a bien cinquante bien condicionnezAbrégé : condicionezConditionné (mal) :
qui a une mauvaise nature, des vices, une mauvaise façon de vivre
.
Bien conditionné. Qui a une bonne nature, de
bonnes qualités, une bonne façon de vivre
(Dictionnaire de la langue
française du seizième siècle, Paris, Honoré Champion, 1925 ; édition
électronique Garnier [consulté en octobre 2014], 10620). , | qui vivent bien et opulement, despendant[c]Comprendre «
dépensant ». | chascun jour en compenaige douze soulz[d]Comprendre «
sols » ou « sous ». et | demy et plus. Auquel couvent ledit pere | general en
l’ayde de la ville et autres | habitans d’icelle feist faire et reparer
les | chambres du dormitoire dudit couvent, et | feist en fasson que
chascun dort seul, en | sa chambre du grant dormitoire d’ault, la | ou
paravant ilz dormoyent deux, trois ou | quatre ensembles, en belles
chambres, ayantAbrégé : ayat | chascun son jardin. Et de cinq ou six jardins | ledit pere
general, en l’aide et secours desdictzAbrégé : desd | seigneurs consulz, n’en fist faire que ung jardin | comun
et general pour tous lesdictz freres. | Et en oultre pour ce que l’entree duditAbrégé : dud couventAbrégé : couvet | se faisoit par une porte petite qui est auprès des
pilles de l’abrevoir dudit couvent, et __
[Fol. 464 r°]
__ avoit esté delaissee par loing temps la belle et | grande
porte et entree qui est a presentAbrégé : pnt devant la | croix, leditAbrégé : led pere general, pour eviter les maulx | qui se
faisoient par ladicte petite porte, en | continuant sadicte refformacion,
fist cloure ladicteAbrégé : lad | petite porte et ouvrir l’autre grande porte, en |
ordonnant que doresenavant et a tousiour mais | l’entree et yssue dudit couventAbrégé : couvet se feroit par ladicteAbrégé : lad | grant porte et cheminant jusques a la grande | porte de
l’esglise dudit couvent,
laquelle avoit | esté delaissee loing temps avoit[e]Comprendre «
avant ».. Et encorres | plus ledit pere general par
l’adviz et deliberacionAbrégé : deliberacio | de conseil desdictz seigneurs consulz et autres | gens de
bien de ladicte ville, ordonna que se | feroit une porte en ung cantonCanton :
coin
, quartier
(Dictionnaire de la langue
française du seizième siècle, Paris, Honoré Champion, 1925 ; édition
électronique Garnier [consulté en octobre 2014], 7385). , des cloistres | duditAbrégé : dud couvent, près du capitolCapitol : peut désigner
ici un espace ouvert ou bâti, appartenant au chapitre ou à la maison
religieuse., laquelle fust | faicte et y
est a presentAbrégé : pnt, et ce affin que personne, | quelle que fust, feust frere dudit
couvent ou | autres, ne peulst entrer ne sortir duditAbrégé : dud couventAbrégé : couvet | sans appeller et sonner une cloche par une | corde
actachee en ladicte porte.
Item leditAbrégé : led pere general continuant toutjourAbrégé : toutjor | sadicte refformacion pour ce qu’il n’y avoit | aucunes
sieges en l’eglise dudit convent, ainsi | que ont ès convens refformez,
mais chascun | pouvoyt veoir lesdictz freres entrer, sailhir[f]Comprendre «
sortir ». | et chanter en ladicte eglise, ordonna que | les sieges de
boys qui y sont a presentAbrégé : pnt seroient __
[Fol. 464 v°]
__ faictes et mises
affin que nul ne peulst veoir | lesdictz frere ainsi que dessus est dit,
et tout | ainsi que contient la reigle duditAbrégé : dud monseigneurAbrégé : monsr saint | Dominique.
Année 1503 : commentaire historique
De l’année 1503, le Petit Thalamus retient seulement le séjour à Montpellier du maître général des Frères Prêcheurs, témoignant sans doute des progrès du courant de la stricte observance, qui ranime la ferveur des ordres mendiants à une époque où, à Montpellier comme ailleurs, la licence qui règne chez les réguliers rend une réforme vraiment nécessaire. En Italie, mère patrie de la réforme dominicaine, le mouvement est plus avancé qu’en France. Mais, dans le sud du royaume, plusieurs maisons de mendiants sont réformées dès le premier tiers du XVe siècle déjà, sans former de congrégation avant la poussée de celle de Hollande à l’extrême fin du siècle, celle-ci permise par le rattachement du duché de Bourgogne au royaume. En 1503 un religieux de la congrégation de Hollande devient alors ministre de la province dominicaine de France : c’est désormais le courant observant qui domine ici.
Même si ce sont des Flamands, et non des Italiens, qui ont surtout réformé les dominicains français, le Petit Thalamus fait référence au séjour à Montpellier de Vincent de Chastelneuf, maître général des Frères Prêcheurs, afin de réformer le couvent dominicain de la ville. Il s’agit de Vincentius Bandellus de Castronovo, c’est-à-dire Fra Vincenzo Bandello de Castelnuovo, né en 1435 à Castelnovo, au diocèse de Tortona, dans le nord-est de l’Italie. Il étudie puis enseigne au monastère Saint Dominique à Bologne. Plus tard, à Milan, il est notamment le confesseur de Ludovic Sforza. Il prend part à plusieurs des débats théologiques de son temps puis est élu maître général des dominicains lors du chapitre général de cet ordre tenu à Rome en 1501. Il consacre alors les dernières années de sa vie à la réforme des dominicains, tentant d’incorporer les observants dans l’administration générale des différentes provinces et visitant à cet effet beaucoup de monastères en Italie, France, Pays-Bas et Espagne. Bandello est l’une des principales figures de l’observance dominicaine de Lombardie mais il a peu d’influence en France, probablement pour des raisons théologiques et politiques.
Bibliographie :
Benedict M. Ashley, The Dominicans, Collegeville, Liturgical Press, 1991, 278 p.
Jean Baumel, La fin d’une seigneurie du Midi de la France. Montpellier, ville royale (1349-1505), Montpellier, Causse et Cie, 1973, tome 3, 414 p. + pl.
Louis Charlier, « Bandello (Vincenzo) », in Mgr Alfred Baudrillart, A. de Meyer et E. Van Cauwenbergh, Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, Paris, Letouzey et Ané, tome 6 : Baader-Bavière, p. 483.
Louis Chatellier, Le catholicisme en France, tome 1 : Le XVIe siècle, Paris, SEDES, 1995, 188 p.
Paul Oskar Kristeller, « A Thomist critique of Marsilio Ficino’s theory of will and intellect: Fra Vincenzo Bandello da Castelnuovo, O.P., and his unpublished treatise addressed to Lorenzo de’ Medici », in Harry Austryn Wolfson Jubilee Volume, English section, vol. II, Jerusalem and New York, American Academy for Jewish Research, 1965, p. 463-495.
Mireille Laget, « La grande crise du XVIe siècle », in Gérard Cholvy (dir.), Le diocèse de Montpellier, Paris, Beauchesne, 1976, p. 107-131.
Jean-Marie Le Gall, « Les réformes monastiques françaises et l’Italie (1480-1530) », in Jean Balsamo (éd.), Passer les monts. Français en Italie, l’Italie en France (1494-1525). Xe colloque de la Société française d’étude du seizième siècle, Paris ; Fiesole, H. Champion, Cadmo, 1998, p. 279-295.
Jean-Marie Le Gall, Les moines au temps des réformes : France (1480-1560), Paris, Champ Vallon, 2001, 647 p.