Le Petit Thalamus de Montpellier

Top

La chronique française du Petit Thalamus de Montpellier

par Marc Conesa (CRISES) et Stéphane Durand (Centre Norbert Elias)

Introduction

La chronique française du Petit Thalamus de Montpellier est un ensemble de textes évoquant l’histoire de la ville entre les années 1502 et 1574, quelques pages sur les années 1581-1584 puis une brève mention de l’année 1604. Elle couvre la dernière partie du manuscrit qui est conservé aux Archives municipales de Montpellier sous la cote AA911. Arch. mun. Montpellier, AA 9, Petit Thalamus de Montpellier, 570 folios.. Parmi les 570 folios de ce document, la chronique s’étale sur les 110 derniers et fait suite aux annales occitanes, qui relatent l’histoire médiévale de la ville de 1204 à 1426. Par ailleurs, elle précède le Thalamus historique, dont le texte figure dans un autre manuscrit, coté AA 1122. Arch. mun. Montpellier, AA 11, Thalamus historique, 103 folios., lequel reprend la narration de 1598 à 1662. Pour autant, la chronique française du Petit Thalamus est d’abord marquée par la discontinuité, puisqu’elle n’est chronologiquement jointive ni aux annales occitanes, ni au Thalamus historique, tout en présentant une lacune substantielle entre 1513 et 1524.

Cette chronique française tend à assurer la continuité d’un modèle narratif, médiéval, tout en étant fondatrice d’une autre forme de discours identitaire. L’emploi de la langue française fait certes rupture, mais la structure des textes s’inspire largement des annales occitanes. Toutefois, la chronique évoque surtout l’histoire d’une ville qui doit s’insérer progressivement dans un nouvel ordre politique, celui des Valois, et qui doit faire face à la division religieuse, destructrice de l’idéal de concorde dans la seconde moitié du XVIe siècle. En cela, elle témoigne du profond ébranlement de l’identité urbaine, par le contenu des récits – qui font écho des guerres civiles – et par la structure même du texte, qui mute sous l’effet des violents événements locaux. Elle accouche finalement d’un modèle narratif préfigurant celui du Thalamus historique, une œuvre du Grand Siècle. Mais elle fournit aussi, au cours des siècles suivants, une matière abondamment reprise dans une historiographie en mal de sources bavardes.

Saisir l’originalité de cette source impose donc, d’abord, d’en retracer la double filiation, codicologique d’abord, pour établir comment cette chronique moderne s’est trouvée enchâssée dans un manuscrit médiéval sans en assurer pleinement la continuité, filiation historique ensuite, car le texte riche, mais pas exempt de paradoxes, a été largement mobilisé comme source des histoires de Montpellier.